Il y a des moments, dans la vie d’un cinéphile, d’épiphanie. Des rencontres avec un film, un réalisateur, un univers, qui marquent. Et, parfois, mais très rarement, c’est une ligne d’accroche, ou dans le cas qui nous occupe, deux lignes d’accroche ! Dans nos contrées, les affiches d’Underworld 4 avant la sortie clamaient « Dans un mois, le retour des vrais vampires ». La guerre aux fans de la molle saga Twilight était déclarée ! Mieux encore, l’affiche anglophone s’ornait de l’impayable « Vengeance returns » : littéralement, donc, « le retour de la vengeance ». À un film qui s’annonce de telle façon, on pardonnera beaucoup…
… non, d’ailleurs, qu’il y ait beaucoup à pardonner : après un troisième épisode moyenâgeux de plutôt bonne tenue, et qui rachetait certainement le précédent, franchement tartignole, Underworld : Nouvelle Ère reprend le fil chronologique de la saga. Exit donc la pourtant préférable Rhona Mitra, star du troisième épisode, voici le retour de Kate Beckinsale, la vampire surpuissante aux formes moulées dans le cuir. Nous l’avions quittée dans les bras de son vampire-garou mutant sexy, et les revoilà tous les deux, en mauvaise posture : en effet, l’omerta qui régissait le monde souterrain des vampires et des loups-garou a volé en éclat, et les humains ont déclaré la guerre aux créatures de la nuit. Les humains, et plus précisément la corporation génétique Antigen, qui finit par faire prisonniers nos Roméo et Juliette nyctalopes, dans un but des plus sinistres, à n’en pas douter.
Le prologue de cette nouvelle mouture frappe par son efficacité : en quelques minutes, la guerre déclarée aux créatures par les humains est démontrée via un style télévisuel frappant, avant d’embrayer sur le film lui-même. Fini, les mises en scènes empesées, filtres bleuâtres et ralentis Matrixiens à outrance ? Pas vraiment, mais les nouveaux venus Måns Mårlind et Björn Stein se montrent moins prodigues de leurs effets, une sagesse qui, à défaut de permettre de discerner une véritable personnalité chez les réalisateurs, laisse la place nette à une illustration simple mais efficace du scénario.
Celui-ci doit donc tenir la route. Pétaradant, le script rédigé à huit mains – dont celle du réalisateur des premiers épisodes, l’inexistant Len Wiseman – n’arrête pas un instant, accumule les péripéties, et fonce à toute allure. Au risque de se perdre ? Il faut croire que travailler le scénario à quatre aura permis de faire preuve de discernement : ainsi, le script complexe (dont on imagine sans peine une version trois fois plus longue, et qui prendrait le temps de développer un tantinet ses enjeux narratifs) file sur une corde raide, ne tombant jamais dans le fouillis narratif, ni dans les raccourcis trop rapides. Encore une fois : de la simple efficacité.
Une fois passé le constat selon lequel Underworld : Nouvelle Ère se révèle un pop-corn movie tout à fait acceptable, deux choses frappent, cependant. D’une part, tout ce qui faisait la spécificité mythique des vampires et des loups-garou est complètement vidé de son sens : ne restent, à l’écran, que des créatures dignes de n’importe quel film de super-héros. Signe des temps, certainement, d’autant que le film se pose rapidement comme une réponse hargneuse à la saga Twilight, déclinaison ultrapopulaire made in « Harlequin » des mêmes mythes, le tout arrosé d’une amère sauce puritaine.
Comme il l’annonçait sur ses affiches anglophones, Underworld : Nouvelle Ère remet les pendules à l’heure… et se montre, à son insu, révélateur. D’une violence terrible, totalement gratuite, le film se voudrait donc un reflet « couillu » du niaiseux Twilight : une antithèse qui, malgré tout, ne dit rien. Du mythe romantique aux implications psychanalytiques fortes, d’une tradition narrative vivace et fascinante, ni Twilight ni Underworld ne retiennent quoi que ce soit. Si le second vaut mieux que le premier, il n’en reste pas moins une illustration bêtasse, premier degré : amusant à voir, mais d’une triste vacuité.