Dans la rubrique home invasion à sensations fortes de l’été, You’re Next a le malheur de venir après le très médiatique American Nightmare, dont le concept aguicheur et la publicité ont assuré le succès – à tort. Au contraire de la baudruche signée James DeMonaco, You’re Next ne glose pas, et repose sur son seul gimmick : l’angoissant masque animal qui orne l’affiche, et qui sert de déguisement aux agresseurs.
Le film se dévoile avec moins d’originalité que celle dont son réalisateur, Adam Wingard, se vante dans le dossier de presse. Cela étant, c’est probablement le seul bémol qu’on peut apporter à la réussite du film, qui parvient à se jouer avec efficacité des contraintes du genre de la home invasion. Une scène de famille tendue sert de canevas : à l’occasion de l’anniversaire des parents, dans leur majestueuse maison de campagne, les enfants viennent, accompagnés de leurs conjoint(e)s. Évidemment, les tensions s’exacerbent vite : l’une sort avec un moins-que-rien, l’autre a séduit son énième étudiante, le troisième pourrait avoir appelé, franchement… Rien que de très prévisible, en somme, et le week-end familial s’annonce peu sympathique. Heureusement pour tout le monde, l’un des conjoints jette un œil par la fenêtre : mais qu’est-ce donc que ce type avec un masque animal ? Et pourquoi tient-il un arc bandé ? Peu après, l’enfer se déchaîne sans que la petite famille, à présent réunie par défaut, n’y comprenne rien…
Délaissant les pistes narratives rebattues, You’re Next va éviter la piste basique qui aurait vu les rancœurs familiales s’exacerber sous la tension. Au lieu de cela, You’re Next montre une fratrie désemparée mais combative, évoluant dans une grande maison dont la caméra fait le meilleur usage, utilisant l’espace d’une façon parfaitement lisible. Le récit est émaillé de surprises bienvenues, tout en conduisant une partition de Grand Guignol à la méchanceté réjouie. Avec la maîtrise d’un connaisseur du genre, Adam Wingard agite des chiffons rouges pour mieux désarçonner son auditoire, en le conduisant là où il ne s’y attend pas. En cela, peut-être le film peut-il effectivement se targuer d’originalité.
Hargneux, goguenard et féroce, You’re Next va tranquillement au-delà du jeu de massacre attendu, vers un vaudeville âpre et narquois. Fort bien construit et pensé, le film a tout de l’exercice de genre réussi, à l’intelligence formelle efficace, au bagage cinéphilique perceptible. Les exemples de ce type sont nombreux en ce moment, plus (The Secret, l’inédit The Pact…) ou moins réussis (le trop formaliste The House of the Devil, certains segments de V/H/S). You’re Next appartient sans nul doute au haut du panier.