Billy O’Brien, très sympathique réalisateur et Grand Prix au festival Fantastic’Arts 2006 de Gérardmer avec son premier long métrage Isolation, réussit le tour de force de remettre la science-fiction à l’honneur dans un genre fantastico-horrifique qui a tendance à se résumer aux survivals et autres films gores. Une personne attachante et sincère qui explique aussi honnêtement les difficultés rencontrées que le message qu’il veut faire passer.
C’est votre première fois au festival du film fantastique de Gérardmer ?
Oui, c’est la première fois que je viens. Je suis vraiment très heureux d’être ici. Je suis en pleine période de promotion, on vient juste de finir le film et on commence à le présenter un peu partout. Il faut courir, mais je suis content car le film est fini et il est maintenant présenté. C’est un véritable honneur d’être là. Le festival est fun, très fun. La cuisine est excellente aussi. J’ai essayé beaucoup de spécialités. Le foie gras (en français dans le texte) est vraiment très bon.
Que pensez-vous du festival en lui-même ?
Great fun ! Je suis très heureux de l’intérêt que le public a montré pour mon film. Je préfère un festival comme celui-là, dans une plus petite ville, à un gros festival qui se passe à Londres ou Paris. C’est beaucoup plus simple ici.
Avez-vous eu le temps de voir d’autres films en compétition ou pas ? Et si oui, qu’en pensez-vous ?
En fait, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour voir des films depuis que je suis ici. Je fais beaucoup d’entretiens, je bouge beaucoup. J’ai quand même réussi à voir Reeker. C’est vraiment très sympa. Il y a beaucoup d’humour, j’aime beaucoup.
Quelles sont vos principales influences ?
J’aime beaucoup les films de science-fiction, genre Alien. Pour moi, c’est véritablement un très bon film. J’aime beaucoup aussi les films de David Cronenberg, ce mélange entre science et fantastique. Par contre, je suis moins fan des films de slasher.
En ce moment, nous avons l’impression qu’une partie du cinéma fantastique vire dans le gore, voire très gore avec des films comme Hostel. Qu’en pensez-vous ?
Je pense surtout que l’on n’a pas besoin de montrer beaucoup pour faire peur. C’est inutile d’avoir recours à des tonnes de sang pour faire peur. Dans Isolation, la scène où le scientifique utilise un pistolet à vache pour tuer Jamie ; il tire un unique coup de feu dans la nuque (il mime la scène). C’est extrêmement bref et il n’y a quasiment pas de sang, pourtant c’est véritablement choquant et brutal. C’est ce que je voulais : choquer le public. Je veux que le spectateur ait réellement peur, et je suis intimement persuadé que l’on n’a pas besoin d’en rajouter pour atteindre ce but.
Isolation a un rapport assez impressionnant avec le côté viscéral des choses. Nous voyons beaucoup de tripes, de chair, d’eau extrêmement sale, etc. Un peu comme dans les films de David Cronenberg.
J’aime beaucoup les films de David Cronenberg mais ça vient surtout de mon enfance. Quand j’ai décidé de faire un film dont l’action se déroulait dans une ferme, je n’ai eu qu’à utiliser mes souvenirs de cette période. J’ai passé mon enfance dans une ferme et j’en garde des souvenirs très précis que j’ai utilisé pour réaliser Isolation. Ces images très nettes m’ont servi pour faire les premiers croquis (Billy O’Brien a suivi une formation de dessinateur) et, par la suite, pour chercher une ferme à l’aspect à la fois austère, isolée mais surtout réaliste. C’est la même chose pour les plans extrêmement proches de la maladie, des fœtus de créatures, etc. Je voulais que l’on ait l’impression de voir des photos de vétérinaire.
Ce qui est intéressant avec Isolation, c’est que c’est autant un film de science-fiction qu’un film fantastique horrifique. Pourquoi avoir choisi un tel traitement ?
Il y a toute cette première partie où je voulais donner une crédibilité à ce qui allait se passer par la suite, à ce que le spectateur allait découvrir dans les vingt dernières minutes du film. Je trouve que les films qui montrent la créature ou le monstre dès les cinq premières minutes perdent leur crédibilité auprès du spectateur. Ce n’est pas gênant si la volonté est de faire un film second degré comme Shaun of the Dead ou Bad Taste ; mais si la volonté est de faire peur, ça ne peut pas fonctionner. J’adore des films comme Shaun of the Dead ou Bad Taste mais ce sont des films comiques, pas des films horrifiques. Dans un film comme Alien, on ne voit pas la créature tout de suite. On la découvre progressivement. Je voulais faire la même chose avec la créature du film. Je voulais lui donner une crédibilité et une légitimité. C’est aussi pour ces raisons que j’ai voulu donner un côté très documentaire à mon film.
Dans Isolation, nous ressentons votre envie de faire passer un véritable message sur les méfaits de la génétique à outrance et la maladie de la vache folle. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’est pour cette raison que je voulais donner un aspect documentaire à Isolation. Je voulais qu’il ait cette crédibilité pour faire passer mon point de vue. Je voulais faire un film sur la maladie de la vache folle et les problèmes résultant des manipulations génétiques, avec tous les enchaînements catastrophiques qui peuvent les suivre. Je me suis dit que la tragédie de Dan Reilly (fermier chez qui se sont pratiquées les expériences qui ont conduit à la brebis Dolly, premier mammifère cloné, avec multiples ratages, malformations et animaux morts) pourrait parfaitement se reproduire dans la réalité. Mais avant tout, je voulais tout d’abord faire un très bon film car quoi qu’il arrive, s’il est bon il pourra dégager un point de vue, intéressant ou pas. Qu’est-ce qu’Alien ? C’est un très bon film. Et c’est justement parce qu’il est bon qu’il peut faire passer le point de vue de son réalisateur. À partir du moment où l’on a quelque chose à dire, il faut faire un bon film et le spectateur comprendra naturellement notre point de vue.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières durant cette réalisation ?
(Il souffle) Oui, beaucoup. En fait, c’est ma deuxième réalisation. J’avais réalisé pendant deux ans un court métrage : The Tale of the Rat That Wrote, dont vous n’avez probablement jamais entendu parlé. Puis j’ai de nouveau passé un peu plus de deux années pour réaliser Isolation. Au bout du compte j’ai travaillé presque cinq années entières pour sortir un film en salle. C’est très long. Ça fait beaucoup de temps et d’énergie. J’ai rencontré et découvert beaucoup de difficultés durant ces cinq années. Techniques mais surtout liées à la distribution ou à la production. Je ne savais pas ce que c’était aussi long et difficile de faire un film avant de me lancer dans cette aventure. Passer cinq années ainsi, c’est extrêmement fatiguant. Le fait d’obtenir de l’argent pour faire son film est une énorme difficulté en soit et, d’une certaine façon, ça a changé ma façon de voir un film. Quand je vois un mauvais film avec un budget modeste, je lui en veux un peu car c’est dommage de rater un film quand on a la chance de pouvoir en faire un ; mais la pire chose qui soit, c’est quand un réalisateur a tout l’argent qu’il veut pour faire un film et qu’il la gâche en faisant n’importe quoi. C’est tellement difficile de faire un long métrage, de trouver les financements, de boucler une réalisation, etc., qu’il faut respecter ce que l’on fait et tout faire pour qu’il soit le meilleur possible.
Avez-vous des projets pour le moment ?
Pas encore. En fait, je suis en pleine promotion pour le moment et… je n’ai pas envie de faire tout de suite un nouveau film car je suis vanné. Ça fait cinq ans, comme je le disais, que je suis en réalisation ; sans compter la promotion qui arrive et le fait que je vais me marier dans le cours de l’année. Donc, je vais déjà finir l’année et on verra après. Si je dois en faire un nouveau, ça restera un film fantastique horrifique ; même si j’aimerais bien faire un film de science-fiction, mais je sens que ce n’est pas encore le bon moment.