Lors de sa dernière édition, le festival Entrevues de Belfort a proposé, pour fêter son trentième anniversaire, une programmation intitulée « Cadavre exquis » pour laquelle était demandé à 30 cinéastes ayant participé à l’histoire du festival de choisir un film à partir de la dernière image d’un autre.
Ainsi, la réception de la dernière image de C’était le mois de mai de Marlen Khoutsiev (incroyable film d’ex-URSS proposé par Serge Bozon et que l’on aimerait voir diffusé !), a amené Yann Gonzalez au choix du Roi des roses de Werner Schroeter (Der Rosenkönig, 1984, France, Portugal, RFA).
En partenariat avec Entrevues, Critikat programme ce film au Reflet Médicis à Paris le Jeudi 10 mars à 20h.
Pour vous préparer à cette séance, petit rappel de la règle du jeu du « Cadavre exquis » telle qu’elle était formulée aux cinéastes participants et des raisons du choix de Yann Gonzalez.
Chaque cinéaste a reçu par e‑mail le dernier photogramme d’un film choisi par le joueur précédent.
Le titre et l’auteur de ce film n’était pas communiqués ; il s’agissait pour chaque cinéaste de choisir un autre film à partir de cette image, sans trop y réfléchir, dans l’esprit de Buñuel et Dali lorsqu’ils écrivaient le scénario du Chien andalou :
« Nous travaillions en accueillant les premières images qui nous venaient à l’esprit et nous rejetions systématiquement tout ce qui pouvait venir de la culture ou de l’éducation. Il fallait que ce soient des images qui nous surprennent et qui soient acceptées sans discussion. »
La dernière image du film alors choisi était ensuite envoyée à un autre cinéaste sur le même principe.
Le Roi des roses (Der Rosenkönig), Werner Schroeter, 1984
Au Portugal, Anna et son fils Albert cultivent des roses. Lui, passionné, cherche la rose idéale. Il va bientôt entretenir une autre passion, pour Fernando, un mystérieux jeune homme…
« Ce photogramme d’amitié asexuée, chemises bien rangées dans le pantalon, dégaines de séminaristes en N&B, m’a poussé vers un contrechamp absolu, soit la poésie queer et les débordements sensuels du Roi des roses de Werner Schroeter. Rarement un film aura autant avancé par intuition sensorielle : le montage devient un pur fleuve d’amour ressassant ses images à la manière de mantras aux résonances toujours plus frappantes, déchirantes. Un chant de nuit et de lumières où riment les couleurs, sons, motifs ; tresse infinie de beautés dédiées à la muse de Schroeter, Magdalena Montezuma, morte peu après le tournage et dont le visage consumé par la maladie semble invoquer une dernière fois le cinéma, ce temple des fleurs, du désir et du feu. »
Yann Gonzalez. Texte publié dans le catalogue du festival Entrevues de Belfort, novembre 2015.
Remerciements à Yann Gonzalez et Lili Hinstin.