Pour son premier film, Ilion, studio d’animation madrilène, a débauché l’un des scénaristes de la série des Shrek. On retrouve donc dans Planète 51, outre une obsession pour la couleur verte, les ingrédients qui ont fait le succès (qu’on peut juger largement immérité) des aventures de l’ogre de DreamWorks : scatologie, bons sentiments et humour ultraréférentiel. Mais à force de copier, sous couvert d’hommage, tout ce qui s’est fait de bon – et de moins bon – en science-fiction et en animation, le film d’Ilion finit par s’apparenter à un ersatz d’ersatz, un produit de synthèse qu’on a l’impression d’avoir déjà goûté mille fois.
La planète 51 est habitée par des gens comme vous et moi – sauf qu’ils sont verts, qu’ils ont des antennes mais pas de nez, et que leur technologie et leur mode vestimentaire rappellent celles de nos années 1950. L’arrivée de Chuck, un astronaute américain égocentrique et intellectuellement limité, va provoquer une psychose dans la population, et accessoirement bouleverser la vie de Lem, un adolescent aux prises avec les tourments de son âge.
À partir d’une telle trame, Planète 51 aurait pu s’inspirer des grands classiques de la science-fiction, puiser dans la loufoquerie d’un Fredric Brown – l’auteur de Martiens, Go Home ! –, voire présenter un choc culturel digne des Chroniques martiennes de Ray Bradbury. Il n’en est rien. Le scénario se contente de reproduire, en les accentuant, tous les tics des productions des studios DreamWorks, principaux pourvoyeurs de mauvais films d’animation. Cherchant à rassembler tous les publics, le film finit par ne s’adresser à personne : tandis que les adultes peineront à rire aux vannes piteuses à base de pets et de vomi et à être surpris par des péripéties trop attendues, les enfants ne comprendront rien aux innombrables clins d’œil que le film ne cesse de lancer au spectateur cinéphile : les séries B des années 1950 (que convoquait déjà Monstres contre Aliens de… DreamWorks), mais aussi Alien, La Guerre des mondes, E.T., Star Wars, Mars Attacks !, 2001, l’Odyssée de l’espace, Terminator, et même… Chantons sous la pluie. Ces références, empilées avec une application besogneuse, relèvent moins de l’hommage sincère que de l’obéissance à un cahier des charges.
Le scénariste ne s’étant pas fatigué à imaginer une société différente de la nôtre, la (très relative) sensation de dépaysement que l’on peut éprouver devant le film est d’ordre purement cosmétique. Le travail des designers s’inspire visiblement de certains jeux d’aventure – Ilion a d’ailleurs été fondé par des concepteurs de jeux vidéo. Si le résultat est techniquement correct, il est aussi graphiquement hideux, et n’a pour seul mérite que de permettre d’apprécier, par comparaison, le savoir-faire des studios Pixar, qui savent injecter de la poésie et de la beauté dans la trop froide animation 3D.
Au-delà de ses faiblesses esthétiques et scénaristiques, de ses personnages irritants (l’astronaute, doublé dans la VF par un Vincent Cassel crispant), de sa publicité à peine clandestine pour une marque de confiserie, de ses plagiats purs et simples (le personnages du petit robot-sonde semble droit sorti de Wall‑E) et de la pénible leçon de morale qu’il nous inflige quand il nous rappelle que la xénophobie, ce n’est pas bien, ce qui rend antipathique Planète 51, c’est son manque flagrant de nécessité. Au lieu d’inaugurer une école d’animation espagnole originale et singulière, les studios Ilion semblent partis pour courir après le cinéma américain le plus bas de gamme. En animation comme ailleurs, Hollywood continue de représenter un horizon inatteignable pour les mauvais cinéastes et les producteurs européens sans ambition.