Film de prétoire mâtiné de thriller, La Défense Lincoln retrouve l’alchimie des bonnes vieilles séries B, grâce à une mise en scène à la fois précise et désinvolte et à un scénario solide et moins univoque que ce qu’on pouvait craindre. Si sa réflexion sur la justice américaine ne va pas très loin (sur les affres existentielles des avocats américains, mieux vaut voir ou revoir la série The Practice), et si son charme se révèle assez volatil, le deuxième film de Brad Furman (après The Take, inédit en France) témoigne de qualités qui le distinguent du tout-venant et en rendent la vision très plaisante.
Mick Haller sillonne les rues de Los Angeles dans sa Lincoln noire immatriculée « NTGUILTY » (« non coupable »), qui lui tient lieu de bureau ambulant. Spécialisé dans la défense des petits dealers et autres malfrats de seconde zone, cet avocat peu embarrassé d’éthique accepte un jour de représenter le jeune héritier d’une riche famille, soupçonné d’avoir voulu assassiner une prostituée, et qui, bien sûr, clame son innocence et crie au complot. Haller ne va pas tarder à découvrir que toute l’affaire est en effet une sorte de traquenard, dont il est lui-même la cible collatérale.
Le classicisme de ce scénario se révèle, paradoxalement, une force pour le film. Bien ficelé à défaut d’être très original, il bénéficie du métier de ce robinet à best-sellers qu’est Michael Connelly, auteur du roman ici porté à l’écran. La Défense Lincoln ne souffre pas des nombreuses invraisemblances et des quelques clichés qui émaillent son récit, tant ils apparaissent constitutifs du genre et font partie du plaisir qu’on peut prendre à suivre un polar à l’ancienne. Au contraire, il parvient à retourner ces possibles écueils à son avantage par le biais d’une décontraction assez sympathique – dont témoigne par exemple la jolie relation de complicité qui lie Mick Haller et son ex-femme procureure, quand tant d’autres scénarios choisiraient de dépeindre leur relation de parents divorcés sous un jour plus dramatique, ou au moins plus problématique, et s’acharneraient à reformer leur couple avant le générique de fin. De même, l’inévitable « rachat » moral de l’avocat véreux est tempéré par une conclusion joliment cynique.
Cette légèreté et cette absence d’esprit de sérieux se retrouvent dans la mise en scène. Dès le générique du début, la musique soul et le montage tout en split screens de La Défense Lincoln lui confèrent une atmosphère très « années 1970 ». Bénéficiant d’une bande son travaillée et d’une image léchée, le film cherche par tous les moyens à paraître cool. Le fait est qu’il y parvient assez bien, même si certaines afféteries de mise en scène viennent un peu gâcher le tableau – notamment au moment des flash-backs, qui abusent des filtres de couleurs et d’autres effets dispensables.
Mais le principal atout du film, ce qui lui permet de transcender ses quelques faiblesses, c’est son casting, qui regroupe une série de seconds couteaux qu’on a grand plaisir à retrouver : William H. Macy, John Leguizamo, Bob Gunton, Marisa Tomei, ou encore l’excellent Bryan Cranston, tout droit sorti de la série Breaking Bad et ici presque méconnaissable. Quant à Matthew McConaughey, il se révèle étonnamment convaincant dans un rôle ambigu et complexe. Ce n’est pas le moindre mérite du petit polar de Brad Furman que de permettre à cet ex-jeune premier insipide de racheter près de quinze ans d’interprétations oubliables et de choix de carrière discutables.