Courrier des lecteurs
Merci, Clément, pour votre article sur le film de Nadine Labaki,
Mais, il y a une force inouie, ainsi qu’ un vrai message, dans le film de Labaki, que vous avez malheureusement pas saisie et que vous ne pouvez pas laisser de côté. Personne na jamais ose critiquer la religion aussi ouvertement, ici chez nous. La critique existe, mais sous forme cérébrale, et très pompeuse. Ce film a au moins pu rendre cette critique accessible, car ce film, dans sa simplicité, s’adresse a tout le monde, couches sociales confondues. Certes, il s’agit de Beyrouth, l’un des pays arabes les plus ouvert et les plus rebelles, mais la religion, chrétienne comme musulmane, on n’y touche pas ! C’est sacré. C’est tabou. On s’en moque pas, on la singe pas. Jamais. Et, je vous l’accorde, c’en est presque insupportable. Si les jeunes Libanais chrétiens druzes ou musulmans vont voir ce film, ils réagiront autrement dans leur vie d’adulte, car ils auraient, pour une fois, une autre façon de voir les choses, et ça les fera réfléchir. Ce n’est pas qu’ils sont rustres ou trop machos, benêts ou idiots, les jeunes hommes ici on encore dans les oreilles les discours souvent xénophobes de leur pères ou de leurs mères, des discours de guerre civile toujours très mal digérée.
Quand on insulte leur Dieu ou même leur parti politique, ils oublient tout, la belle cravate qu’il porte, les 3 langues qu’ils parlent, c’est triste mais on la revu en 2008 comment dans une même confession, les hommes ont pu sortir leurs fusils. La partie de la population qui réagirait « peut être » autrement est composées de penseurs, journalistes (et encore) peut être aussi ceux qui ont quitté le Liban pendant la guerre, et qui ne l’on heureusement pas vécue, donc une petite élite, souvent beaucoup plus instruite et parlant le français mieux que l’arabe. Ce film parle à tout le monde, à tout le peuple, et ici on na pas sentie la caricature, c’est mal connaitre le Liban et les Libanais d’y voir une caricature. La haine est très présente chez nous tout comme l’amour d’ailleurs, la passion en fait. Et elle n’est jamais très bonne. Vous ne pouvez donc pas réellement comprendre puisque vous êtes dans un pays laïque et très moderne régis par des lois et non des passions.
Comprenez vous alors la portée de ce film ? De mettre enfin et une bonne
fois pour toute la religion a part. de s’en moquer, de la rendre humaine, et non sacrée. Pour vous Français, il s’agit de petites tentatives, chez
nous ici ça soulève des montagnes…
Bien à vous,
Gab
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Bonjour,
Tout d’abord, je vous remercie de m’avoir adressé ce message et d’avoir pris le temps de développer vos arguments.
Je les entends tout à fait et je peux tout à fait comprendre que le film réponde, d’une certaine manière, à des problématiques qui nous sont étrangères en France, ou du moins dans mon environnement proche. Je ne doute pas un seul instant que cela puisse provoquer un échos auprès des spectateurs libanais et, à ce titre, si le film suscite des débats ou réveille des consciences, on pourrait considérer que le pari de la réalisatrice serait réussi.
Seulement, je ne peux me situer de ce côté-là du film dans la mesure où, n’étant pas pris par des questions d’affects, je ne peux que poser un regard critiques sur les procédés employés par la cinéaste qui, vous en conviendrez, s’octroie le beau rôle dans le film : photo léchée, effets comiques un peu faciles, narration simplifiée. Je ne suis pas certain que la cinéaste ait eu la volonté d’embrasser la complexité des rapports religieux qui persistent au Liban mais qu’elle y a plutôt plaqué des recettes un peu faciles (et bien connues dans la comédie française) sur un sujet épineux, ce qui lui donne une caution, une garantie, pour la protéger de toute critique quant à ses intentions, forcément nobles. Pour ma part, j’émets beaucoup de réserves quant au film (que je trouve par ailleurs mauvais) et c’est ce que j’ai tenté d’expliquer dans mon article.
Bien cordialement,
Clément Graminiès
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Lire l’article de Clément Graminiès : Et maintenant, on va où ?