Courrier des lecteurs
Je vous écris suite à votre article proposant une lecture du dernier film de C. Honoré dans laquelle je ne me retrouve pas. Puis je me permettre d’émettre un avis moins enthousiaste ?
Tout d’abord, je ne trouve absolument pas que Honoré « sublime » ses personnages. Il m’a plutôt semblé que ces derniers ont été filmés, certes avec naturel, mais sans aucun effet de sublimation, et quelques fois de façon à les rendre pompeux et agaçants. Les comédiens sont en moyenne plutôt quelconques, sans brio particulier, en plein dans une conception figée de l’adolescence que le réalisateur se plaît à nous montrer. Quelques apparitions de l’actrice principale, Léa Seydoux, sont en effet très belles, si l’on excepte le plan de fin sur le bateau en partance où la grâce qu’elle témoigne à plusieurs endroits du film se mue en une grossière silhouette mélancolique. Quand à Louis Garrel, ses quelques numéros de cabotinages sont certes plaisants, mais l’ensemble de sa prestation ne semble bien en dessous de celles, très belles de nuance et de « sublime », dans les précédents films de C. Honoré.
De plus, cette production m’a semblée alourdie de plans inutiles, comme la scène de la bagarre en classe où Henri cherche des ciseaux afin d’assassiner son ami, de séquences où la sensibilité du réalisateur passe malheureusement par des clichés faciles (cette même bagarre n’arrive pas à nous montrer la puissance de la jalousie adolescente), de répliques qui « ne marchent pas » dans la bouche d’adolescents, fussent-ils du XVIème arrondissement.
En général, ce film m’a fait l’impression d’une volonté de poétiser à l’excès de simples faits somme toute habituels, sans en dévoiler la sincère beauté. Si la force des sentiments amoureux est exacerbée chez les adolescents, il me semble néanmoins qu’elle est moins évidente, moins directement visible. Honoré nous montre, grossis pour les besoins de la caméra, des forces et des affects qu’il est très difficile de montrer tant ils sont souterrains, pleins de nuances, enterrés sous les codes correspondant à cet âge.
En voyant dans la cour du lycée Molière la cour de Versailles, vous n’avez pas tort. Cette transposition se révèle néanmoins pompeuse, fausse, pleine d’emphase.
Je dois avouer avoir été très déçu par ce dernier opus. J’avais beaucoup aimé la légèreté sans superficialité des derniers films d’Honoré, tout en finesse et riche de multiples entrées de lecture. Celui-ci me donne plutôt l’impression d’un bloc rude et transparent, prisme à travers duquel l’histoire et ses personnages se brouillent au lieu de nous enchanter.
Q. G.
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Lire l’article La Belle Personne, par Fabien Reyre.