Courrier des lecteurs
Bonjour à tous,
Je reviens d’un déjeuner qui s’est attardé, attardé, attardé (j’avoue être sonnée par alcool et soleil)… Et en lisant votre article « La palme de trop » je retrouve l’écho de nos conversations grisées.
Oui c’est devenu le lieu commun de la fin mai/début juin : s’allonger sur une pelouse et critiquer la dernière sélection cannoise !
C’est agréable d’arracher quelques brins d’herbe et de dégainer la kalachnikov de la culture cinématographique : « Taxi Driver, Toni Morrisson, Sous le soleil de Satan, Sean Penn, Othello, Robert Altman etc…»
Que vous le fassiez ne me dérange pas ; au contraire même il me semble bénéfique que la critique puisse avouer qu’elle n’a pas un rapport uniquement cérébral avec les films mais qu’elle aussi peut avoir un rapport déraisonné et passionnée au cinéma, qu’elle est capable de dire d’un film qu’il est de la merde sans s’en excuser ou le cacher derrière des mots de plus de trois syllabes…
Puisque le cinéma est un Art.
Et donc ce qui a pu me faire réagir dans votre article (qui partait d’une très bonne idée) n’est pas tant vos réactions spontanées que la façon dont ces réactions vous ont éloignées de ce qu’il y a (à mon sens) d’important à dire à propos du palmarès cannois.
Vous l’évoquiez dans votre édito : ce qu’il y a de déplorable dans ce Festival qui fut créé en 39 pour contrer le festival fascisant de la Mostra de Venise ; c’est qu’il tourne en ridicule l’un des plus grand cinéastes de notre temps en l’affublant d’une médaille en chocolat.
Le festival née d’une envie d’opposer une autre voie à celle dominante de la normalisation, bâillonne par des honneurs déplacés, Alain Resnais.
Les sélections se suivent et se ressemblent : elles mettent en lumière un cinéma répondant à un cliché de cinéma d’auteur, partant du principe qu’un film d’auteur est sensé être :
1 en noir et blanc ou dans un camaïeu de marron
2 mettre en scène un couple homo et/ou qui parle en métaphores
3 ne pas être constitué de plus de 300 plans
4 être : « unanimement salué pour la qualité de sa photo » (alors que personne ne sait ce que c’est qu’une bonne photo)
5 avoir en « toile de fond » la critique « virulente » de la dictature/bourgeoisie/société/etc…
À force de sélectionner et récompenser uniquement ces stéréotypes de film : le festival qui par ailleurs déclare s’engager pour un cinéma d’indépendance, l’étouffe tout comme il étouffe Resnais.
Il norme et conforme « une certaine idée » du cinéma, qui donne naissance à un cinéma non d’avant-garde ou d’indépendance mais de postures.
Ce cinéma fait tout autant si ce n’est plus mal à l’art cinématographique, que les productions de type « hollywoodiennes », parce qu’elle, sous des dehors d’indépendance, s’achète une place sur le marché.
Que Cannes en soit complice alors qu’elle a moyen de s’en éloigner (a contrario des oscars et de leurs studios) c’est cela qui est de la merde !
Anonyme.
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Lire la très bonne idée d’article d’Ophélie Wiel, La Palme de trop.