À côté de la majestueuse fresque des 1001 Nuits présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, un autre film portugais méritait également toutes les attentions durant ce Festival de Cannes. Présenté à l’ACID, Volta à Terra pourrait d’ailleurs trouver une place de choix à côté de Ce cher mois d’août pour son esprit tournant autour d’un documentaire poétique sur le Portugal rural. Si Miguel Gomes coupait son film en deux et y injectait, comme par magie, une savante dose de fiction, João Pedro Plácido tient brillamment la barre de l’observation et se révèle un cinéaste à suivre de près. À Uz, hameau montagnard du nord du Portugal vidé par l’immigration, subsistent quelques dizaines de paysans. Alors que la communauté se rassemble autour des traditionnelles fêtes d’août, le jeune berger Daniel, autour duquel Volta à Terra virevolte, rêve d’amour. Plácido le suivra tout au long de son film dans son quotidien laborieux, entre différents travaux agricoles et tentatives de conquêtes féminines, au milieu des habitants de son village, filmés comme les dernières reliques d’un monde dont la disparition semble à chaque instant imminente.
Il faut dire tout de suite la force de ce récit, dans une démarche qui n’est pas sans évoquer les profils-paysans de Raymond Depardon, récit mené contre les vents et le temps qui coule, pareil à une matière insaisissable mais qui pourtant se fait sentir chaque jour au quotidien lorsqu’on travaille la terre. L’immuable cycle des quatre saisons et les travaux des champs reprennent vite le dessus sur les aspirations de Daniel à un ailleurs. Entre la jachère hivernale et l’arrivée des fils prodigues au mois d’août, Volta à Terra est aussi l’histoire d’une résignation tue et douloureuse, et en même temps, l’histoire de son versant positif : la puissance de la transmission, du lien avec les parents qui lèguent souvent plus qu’une terre ou quelques vaches. C’est tout un savoir que le film tente de préserver avec une bienveillance et un amour du regard de l’autre saisi grâce à la douce lumière des montagnes de la région. S’y jouent ainsi des tentatives insoupçonnées de connexions entre les hommes, les animaux et la nature : Volta à Terra est parfois, littéralement, un film fantastique.