Les éditions Nouveau Monde sortent ce mois-ci le Dictionnaire du cinéma asiatique. Ouvrage ambitieux, qui permet une belle vue d’ensemble sur les cinémas de cet immense continent qu’est l’Asie. On salue tout naturellement un tel travail bien qu’il s’adresse plus aux néophytes qu’aux experts, n’en faisant pas un objet indispensable pour les cinéphiles.
Comment rendre compte de la richesse et de la diversité du cinéma asiatique ? Ce vaste continent sur lequel se côtoie une variété de cinématographie plus étendue que dans l’Europe et l’Amérique réunies, a toujours fasciné les cinéphiles. À la fois dans leur recherche d’exotisme un peu creuse, au doux relent de colonialiste, mais aussi dans leur quête de propositions cinématographiques nouvelles qui, d’une manière ou d’une autre, éclaireraient le cinéma occidental. Mais le cinéma est un art universel qui s’est influencé lui-même dans un échange d’influence incessant entre les pays du monde. Et le dialogue qui s’est effectué entre l’Asie et l’Occident ne date pas d’hier. Le modèle hollywoodien nourrit d’abord les industries locales japonaises, indiennes et chinoises qui y calquèrent leur mode de fonctionnement avant de trouver leur spécificité. Lubitsch inspira Ozu. Renoir donna à Satyajit Ray sa vocation. En un juste retour des choses, l’héritage des cinéastes asiatiques vint orner la culture des cinéphiles occidentaux. Il devenait urgent alors de tracer une cartographie précise de ces cinémas et d’en faire une grande mise au point. Des comédies musicales de Bollywood aux films d’arts martiaux hongkongais, des muets des studios de Shanghai à l’animation japonaise, il y avait fort à faire. Pas sûr, dans ce cas, que le dictionnaire, dans sa forme même, soit le meilleur support pour un tel travail. Un dictionnaire à tendance à condenser et homogénéiser là où il aurait fallu étirer et mettre en avant les différences. Le cinéma asiatique n’a d’unité qu’en termes géographiques. Esthétiquement parlant le jour y côtoie la nuit. C’est pourquoi une encyclopédie aurait semblé plus appropriée.
Mais nous n’allons pas pour autant dénigrer le travail effectué sous la direction d’Adrien Gombeaud, secondé par une vingtaine d’auteurs, dont Max Tessier, Raphaël Millet et notre chère collaboratrice Ophélie Wiel : le Dictionnaire du cinéma asiatique aux éditions Nouveau Monde. Le lexique de ce pavé brasse aussi bien les réalisateurs qui ont fait l’histoire du cinéma de leur pays respectif que ceux qui continuent de l’alimenter mais également les comédiens, les personnages emblématiques, les différents modes de tournage, les cinématographies de chaque pays, les genres, plus quelques films clés. Et après quelques heures d’observation intensive, il faut bien admettre que rien ne manque. Cet ouvrage plutôt complet s’orne en outre d’une illustration riche qui compte pas moins de 600 photos. Finalement, on se dit que 600 pages ne durent pas être de trop pour stocker tout ça.
Les articles sont riches en anecdotes et en parcours historiques détaillés et témoignent des grandes connaissances des rédacteurs. On peut cependant regretter que souvent chacun se laisse un peu trop aller à sa petite analyse (surtout dans les articles concernant les films). Car se pose du coup le problème de l’objectivité à laquelle doit se soumettre un dictionnaire, difficulté double lorsqu’il s’agit d’art et plus particulièrement de cinéma. Le cinéphile, comme chacun le sait, développe un rapport particulier au film, une culture qui lui est propre et le défini, indissociable à sa personnalité. Nous feignons d’être objectif quand nous écrivons nos critiques dans les colonnes de Critikat, mais personne n’est dupe, c’est notre regard qui est en cause, pas la vérité absolue. Mais on peut en jouer dans un texte critique ou analytique, en faire un atout, tandis que l’effacement de sa personnalité est plus complexe pour un ouvrage de définitions. Rigueur et discipline y sont demandées. Et bien que nous comprenions aisément le besoin de les transgresser, le lecteur un peu esthète, et donc fort d’opinions déjà bien tranchées, ne cessera de tiquer ça et là, en fonction de sa connivence avec les propos des rédacteurs. C’est pourquoi ce Dictionnaire du cinéma asiatique s’adresse surtout aux curieux qui aimeraient découvrir de nouveaux horizons cinématographiques. Et même si les amateurs se sentiront un peu lésés, on ne peut que féliciter une telle démarche pédagogique.