Fini la rigolade (Le Grand Détournement), la gaudriole (les OSS 117), la déclaration d’amour aux magies du cinéma d’antan (The Artist), Michel Hazavanicius veut parler du monde, de la vie vraie en regardant la vérité droit dans les yeux. D’ailleurs, pour faire vrai, il mime un régime d’image supposément vrai avec un prologue perçu par le biais d’un caméscope captant de la manière la plus complaisante qui soit un crime de guerre atrocement banal. Rideau. Place à l’imag(eri)e qui se raccordera in fine à cette énonciation initiale.
Michel Hazavanicius plonge dans la sale guerre de Tchétchénie et suit quatre destins : le jeune fils qui a assisté de la fenêtre aux événements doit prendre la route avec un nourrisson ; la fille qui a survécu aux exactions – le tarif étant le viol ; une fonctionnaire de l’Union Européenne qui assiste impuissante à ce qui ressemble à une entreprise génocidaire ; un jeune Russe enrôlé dans l’armée pour éviter la prison. Les quatre lignes de scénario sont vouées à se (re)couper, l’une à rebours – mais quel est le salaud qui a bien pu filmer cette horreur ? The Search est le remake homonyme du film de Fred Zinnemann (1948) – avec un soldat américain à la place de la fonctionnaire européenne campée par Bérénice Bejo, qui ne devrait pas doubler la mise cette année concernant le prix d’interprétation féminine, et, en lieu et place de la Tchétchénie, les ruines encore fumantes de la deuxième guerre mondiale (une famille séparée par la déportation vers Auschwitz).
Que ceci ne soit pas confondu avec de la paresse, mais le cinéma engage avant tout des images (et des sons), et il n’y a pas dans le film de Michel Hazavanicius, malgré tous ses efforts, d’image plus vraie que celles issues du tournage, avec ses mouvements de foule dirigés et ses appareils en action. Ce sont de telles images que le personnage interprété par Bérénice Bejo devrait montrer du doigt à l’enfant dans la photo du film se trouvant en tête de ce billet. Elles recèlent tout le malaise que l’on éprouve face au film, son culte du savoir-faire, son obsession de faire vrai. C’est aussi une leçon de hors-champ, témoignant d’une indécence que peut le cinéma.