Interview express de Jean-Sébastien Chauvin et Bertrand Loutte. L’occasion de rappeler le caractère unique de la manifestation, et d’en savoir plus sur un métier peu connu (mais ô combien crucial) de sélectionneur…
CRITIKAT : Selon vous, quelle est la principale vocation de Belfort ?
Jean-Sébastien Chauvin & Bertrand Loutte : Le Festival de Belfort est resté fidèle à sa vocation première, qui est de faire découvrir de jeunes cinéastes, de leur donner un cadre et une vitrine, prendre le pouls de la jeune création internationale à un moment donné. Même si évidemment, nous ne pouvons pas tout voir, c’est aussi ce qui nous plaît beaucoup : donner notre cartographie personnelle du jeune cinéma chaque année.
Comment est structuré le Festival ?
Il y a une compétition de films (fictions, documentaires, courts et longs-métrages) que nous sélectionnons, mais il y a également d’autres sélections dont s’occupe le délégué général du festival, Bernard Bénoliel. Ce qui permet de faire des ponts entre cette jeune génération et l’Histoire du cinéma : un hommage à un acteur ou une actrice (Ornella Muti l’année dernière), l’intégrale d’un cinéaste (l’année dernière : Paul Schrader et Jean-Pierre Gorin), une sélection thématique (Les Miroirs, la vitesse), des séances spéciales. C’est un ensemble très riche…
Quelles sont les conditions à remplir pour qu’un film soit vu par vous ?
Qu’il s’agisse d’une première, deuxième ou troisième œuvre de sa catégorie. Nous prenons le premier long-métrage d’un « court-métragiste » chevronné ou le premier documentaire d’un réalisateur qui a plus de trois fictions à son actif. Sinon, il n’y a aucune limite de format ou de durée.
Comment se passe ensuite la sélection des films ? Qu’est-ce qui peut être rédhibitoire ?
Nous voyons les films en festival, en cassette ou en salle. En général, la sélection commence aux alentours de février-mars, période durant laquelle nous découvrons beaucoup de choses dans les festivals. Et puis, il y a une grosse période de visionnage du 15 septembre au 15 octobre, date à laquelle nous rendons une sélection définitive. Rien de rédhibitoire, si ce n’est la qualité des films eux-mêmes, et nous n’avons aucune ligne directrice, a priori. La sélection se construit peu à peu, au fil des visionnages. Nous réalisons souvent en cours de route que des éléments esthétiques ou thématiques cheminent d’un film à l’autre, sans pour autant que nous nous sentions obligés de donner telle ou telle coloration à la sélection. La cohérence d’ensemble vient peu à peu. Il n’y a rien de décidé à l’avance. C’est quelque chose d’intuitif, qui se construit en fonction de nos goûts, de nos affinités électives…
Racontez-nous votre plus belle découverte en tant que sélectionneur.
Difficile de privilégier un film par rapport à un autre. Il est vrai que les plus beaux moments sont ceux où l’on est surpris par un film, parfois débarqué de nulle part, dont le réalisateur ou la réalisatrice sont de parfaits inconnus. On pourrait citer Courant d’air, un court-métrage de Nora Martirosyan, ou encore Violent Days de Lucile Chaufour (grand prix du long-métrage français cette année) que nous avons découvert en projection. Mais nous faisons aussi des découvertes dans d’autres festivals. Ainsi du court-métrage Ivan Runs Some Errands, Runs Amok de Andrew T. Betzer, que nous avons découvert en cassette dans un festival au Portugal parmi les refusés, ou encore du documentaire La Source de Sha Qing, découvert à Nyon en Suisse, dans un festival documentaire. Parfois la découverte vient d’un réseau de connaissances sans lesquelles nous n’aurions pas entendu parler du film. Cette année, c’était le cas de Un camion en réparation, un court-métrage d’Arnaud Simon qui a été récompensé. L’Esquive a été une excellente surprise, il y a deux ans. Abdellatif Kechiche n’était pas un inconnu puisqu’il avait réalisé un premier film (La Faute à Voltaire), mais nous ne nous attendions pas à une telle énergie, à une telle maîtrise formelle. Personne n’avait vu le film alors…