Muccino, incapable de réaliser un film correct en Italie, part tenter sa chance à Hollywood. Il y rencontre Will Smith qui, lui, est à la recherche d’un panégyrique à sa gloire et celle de son fiston. Hourra : tous deux dégotent une jolie histoire, vraie en plus, où un homme pauvre devient riche. Pas par magie, mais parce qu’il a trop galéré et qu’il est dingue de son môme. C’est mignon tout plein, ça va faire pleurer les foules, Will Smith y a même gagné une nomination aux Oscars. Et le cinéma, dans tout ça ?
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de Muccino dans À la recherche du bonheur. Ou si peu. Fini le temps du fadasse Juste un baiser et du désastreux (on est polis) Souviens-toi de moi. En gros, finie l’hystérie des couples bourgeois à la dérive qui passent leur temps à se hurler dessus pour cacher l’indigence des dialogues et du scénario. Il y a bien quelques cris dans les vingt interminables premières minutes, avant que l’épouse finisse enfin par quitter son mari. Et hop, emballé c’est pesé : Muccino, sans doute la mort dans l’âme, fait ses adieux à ses disputes bien-aimées. Évidemment, il reste toujours un peu du style Muccino dans la mise en scène : caméra flottante, semblant continuellement chercher ce qu’elle doit filmer, et musique sirupeuse envahissante sur plans d’ensemble du père, du fils, du père et du fils, du fils et du père… Mises bout à bout, au moins 30 minutes de pellicule inutiles.
La mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’influences italiennes dans ce film 100% américain, gnangnan à mort, plombé dès le départ par l’éternel message exemplaire : n’abandonne pas tes rêves, accroche-toi, tu vas y arriver, parce qu’en Amérique, everything is possible. En plus, promis, juré, c’est une histoire vraie. Chris Gardner, le gentil vendeur qui perd sa femme, son appart, son job et finit dans les toilettes du métro avec son fils a vraiment existé. Et parce qu’il croyait à son rêve, que c’était un vrai gentil et qu’il aimait son fils, il s’est sorti d’affaire. Par la seule force de sa volonté, de ses larmes et… de ses jambes (depuis Forrest Gump, on n’a jamais vu un acteur courir autant dans un film).
On a beau chercher quelque chose d’un peu plus profond, la façon dont Muccino traite de la pauvreté et de la misère tient plus d’une pub Benetton que du néo-réalisme italien. Il plonge dans les « bas-fonds » de San Francisco presque par acquit de conscience, en essayant au maximum de leur donner un petit « plus » glamour ou en cherchant la belle image qui rendrait le tout supportable. À l’évidence, Muccino préfère le luxe. L’argent fait le bonheur : la preuve, les courtiers en bourse, très compréhensifs, sourient au ralenti au son des violons, alors que les pauvres, pas du tout compréhensifs, sont des vilains qui ne pensent qu’à voler le bon travailleur. D’ailleurs, les pauvres le sont parce qu’ils le veulent : Chris Gardner, lui, ne veut pas, et donc, s’en sort. Il mérite d’être l’heureux possesseur d’une Porsche et d’une belle villa (c’est Thomas Jefferson qui l’a dit. Enfin, presque).
Muccino aux manettes d’un hymne à la gloire du libéralisme américain ? Honnêtement, on ne s’attendait pas à moins de sa part. Et même si l’on fait l’effort surhumain de laisser de côté l’idéologie dégoûtante du film, À la recherche du bonheur n’est même pas un bon divertissement : les ficelles sont si prévisibles, les dénouements de chaque scène amenés si grossièrement qu’il est quasi impossible de prendre le héros en sympathie. Seule réserve positive : Will Smith, extraordinairement sobre dans un rôle où on l’aurait imaginé en faire des tonnes, est très bien. Néanmoins, il ferait mieux de moins penser à donner un job à son fils de cinq ans qu’à lire attentivement les scénars qu’on lui propose.