Second long métrage du cinéaste Stephen Purvis, après Deep in the Heart (1999), l’ex-documentariste s’essaie avec El Cortez à une sorte d’exercice de style en réalisant un thriller hétéroclite sur fond d’ambiance de film noir à la mode des années 1950. Dérouté par une intrigue confuse, et ce dès le générique amorçant à l’avance la fin du film, le spectateur attend sans succès qu’on le surprenne.
Tiré d’un scénario de Chris Haddock, auteur accumulant une vingtaine de Gemini Awards pour la série TV Da Vinci’s Inquest (91 épisodes de 1998 à 2005), ce film de genre joue essentiellement sur la psychologie des personnages. L’histoire tourne autour de Manny (Lou Diamond Phillips), jeune autiste et ancien tueur, au sein de l’hôtel au nom de conquistador où celui-ci travaille depuis sa sortie de prison. Contrôlant ses pulsions grâce à des médicaments, Manny mène une vie tranquille rythmée par ses habitudes. Rendant service à tous les habitants du lieu, il s’attache en particulier à l’handicapé Popcorn (Bruce Weitz), prospecteur et propriétaire d’une mine d’or. Persuadant l’investisseur Russo (Peter Onorati) d’acheter la mine de l’éclopé, Manny finit par devenir son associé. Alors que l’autiste poursuit sa petite vie de réceptionniste, surveillé constamment par l’ex-flic Arnie (James McDaniel) l’ayant condamné par le passé, plusieurs personnages vont le faire sortir de sa réserve, à commencer par Jack (Glenn Plummer) le black dealer et maquereau, et surtout sa sulfureuse amie Theda (Tracy Middendorf), blonde et prostituée au grand cœur. Tombant amoureux de cette dernière, Manny se dégage, au fur et à mesure du récit, de sa timidité et de son traitement médical, et retrouve du même coup ses anciennes violences…
Thriller peu emballant, El Cortez joue de manière intéressante sur le renversement des rôles. L’autiste, à la figure sympathique de victime, n’est pas aussi doux qu’on pourrait le croire, quant au vieil handicapé, il cache de nombreuses faces sombres. Mais si Lou Diamond Phillips, porte-parole de l’association américaine ACT (Autism Care & Treatment Today), joue son rôle de manière impliquée et sincère, il n’arrive pourtant pas à relever la sauce de ce film bien plat. Voulant renouer avec les films noirs des années 1950, Stephen Purvis s’est inspiré de plusieurs succès du genre ; on peut y trouver pour l’ambiance et le récit, ici, une touche de Double Indemnity de Billy Wilder (Assurance sur la mort – 1944), là, une touche de Touch of Evil d’Orson Welles (La Soif du mal – 1958), avec une pointe de The Postman Always Rings Twice de Tay Garnett (Le facteur sonne toujours deux fois – 1946). Pour les cadrages et décadrages en diagonale, on touche moins Welles qu’Elia Kazan dans son À l’est d’Eden (1955).
Mais, avec ces vieux rappels filmiques mixés à la sauce des recettes actuelles (une scène torride au milieu du film, une séquence d’action violente qui suit, etc.), on cherche sans succès la surprise. L’intrigue confuse dont on sent l’arrangement à base de divers bouts de trames scénaristiques non entièrement exploitées finit par lasser le spectateur. La production de Purvis est un collage de plans déjà vus que ni le récit, ni le décor, ni les acteurs, n’arrivent à transcender. Si El Cortez peut passer pour un exercice de style divertissant, il se situe malgré tout bien loin des grands thrillers américains classiques. Situation indéniablement regrettable lorsque l’objectif visé était justement… de rivaliser avec eux.