L’événement était attendu par les amateurs du bouquin de Scott Smith (auteur de la nouvelle à l’origine du Plan simple de Sam Raimi) : hélas pour eux, Les Ruines n’apporte pas grand-chose au huis clos claustrophobique original. Caviardé de ressorts scénaristiques littéraires, le récit ne trouve jamais réellement sa place sur grand écran.
N’importe quel amateur éclairé de fantastique (c’est celui qui a peur dans le noir, donc…) vous le dira : le bestiaire cinématographique du genre bat à plate couture, en diversité comme en inventivité, tous les bestiaires, depuis le moyen-âge jusqu’à Buzzati. Dans le microcosme intellectuel du genre, toute la création semble s’être donnée rendez-vous pour nuire au genre humain : morts, vivants, morts-vivants, miroirs, oiseaux, rats, démons, dentistes ou chirurgiens fous, voire les beaucoup plus improbables ascenseurs ou machines à laver. Mais s’il y a bien une chose qui avait pour l’instant décliné l’offre de vouloir génocider l’humanité entière, ce sont bien les plantes vertes (à l’exception d’Audrey II, la plante la plus funky du monde dans La Petite Boutique des horreurs, mais elle ne compte pas vraiment). Tout cela est très romantique, littérairement parlant. Le fantastique s’interroge particulièrement sur cette question : « Objets inanimés avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme, et la force de vouloir nous l’arracher ?» Question que le pragmatisme moderne nous permet d’écarter, et qui ne vient donc censément pas à l’esprit des héros de ces Ruines.
Ils sont quatre ; touristes américains en Amérique centrale ; elles sont évidemment ostensiblement mamelues ; eux largement bodybuildés. Dans un accès de cynisme réaliste plutôt réjouissant, l’un d’entre eux va résumer le sentiment de toute-puissance qui habite nos héros : « Quatre touristes américains ne disparaissent pas impunément au Mexique sans que personne ne s’en inquiète !» C’est donc plein d’une confiance rayonnante que nos quatre touristes vont se rendre en compagnie d’un autre touriste chippendale bodybuildé (le modèle à barbe sexy) sur les lieux de recherches d’un ami à lui : une ancienne pyramide maya, encore inexplorée. Mais les autochtones ne se montrent que fort peu conciliants (c’est le moins qu’on puisse dire) et comble de malchance, la pyramide en question s’avère être le siège d’une curiosité locale : une plante grimpante intelligente et touristophage.
Alors évidemment, c’est facile de se moquer. Foutre la pétoche avec les malades survitaminés de 28 jours plus tard, ou les créatures agressives de la saga Alien, c’est facile, efficace et proprement cinématographique. Par contre, une plante grimpante homicide manque singulièrement de dynamisme. Nous sommes finalement dans la même école de gestion de la terreur que chez Romero dans sa saga des morts-vivants : quelque chose d’omniprésent, de lent, mais de malveillant, d’indestructible et d’inexorable. Sauf qu’ici, deux différences se posent, majeures : la plante de ces Ruines n’est certainement pas aussi terrifiante que les zombies de Romero, véritable image-miroir des protagonistes, et propices à toutes les comparaisons les plus glaçantes. Et surtout, la question se pose bien vite : qu’est-ce qui empêche nos protagonistes de se servir du feu à leur disposition pour vaporiser la menace ? Et qu’est-ce qui justifie le comportement parfois très agressif ou au contraire très lymphatique de la plante prédatrice ? Les trous dans la rigueur du scénario se multiplient bien vite.
Inspiré d’une nouvelle qu’on devine portée sur le stress des protagonistes et sur la montée de la peur et de la folie dans un huis-clos original, Ruines cherche son inspiration entre les sévices horribles post-Saw / Hostel et une esthétique proche de celle de Wes Craven dans La colline a des yeux et La Dernière Maison sur la gauche. Plutôt correctement interprété, notamment par un Jonathan Tucker coutumier du genre, le film amuse mais ne fait guère peur, ose quelques originalités mais sans les pérenniser, aligne avec application les lieux communs mais peine à exister. Les plus impressionnables d’entre les spectateurs ajouteront la bombe de désherbant à leur panoplie anti-menace inattendue, mais c’est probablement tout ce qui ressortira de ces Ruines.