Après s’être attaqué à la franchise Massacre à la tronçonneuse, après un amusant mais finalement creux croisement entre James Bond et Conan le Barbare (Pathfinder), le clipeux Marcus Nispel revient au remake avec l’énième resucée de la saga Vendredi 13. Le matériau d’origine n’étant pas bien glorieux, on ne peut pas vraiment en vouloir au cinéaste de livrer cette série Z friquée sans intérêt − mais peut-être aurait-il pu s’essayer à l’inventivité ?
Jason Voorhees est, comme Freddy Krueger, Michael Myers ou Leatherface, une icône d’une certaine époque du fantastique : les années 1980, règne d’un nouveau cinéma bis inspiré par la montée en puissance de la VHS. Règne d’un consumérisme à outrance, le marché de la VHS a donné sa légitimité à la logique des suites à répétition des séries B pop-corn du fantastique. La créativité des scénaristes a été mise à rude épreuve, qui devaient trouver toujours plus de raisons improbables pour que leurs méchants, généralement vaincus et tués dans les films précédents, reviennent pour poursuivre leurs vengeances homicides.
N’oublions pas que ces années 1980 n’étaient aucunement aussi permissives en terme de censure que peut l’être notre époque actuelle, n’oublions pas qu’à cette époque donner dans l’horreur, la subversion et le gore signifiait vraiment quelque chose. C’est vrai, à la fois pour les cinéastes, dont la subversion consistait avant tout à contourner à la fois le manque de moyens et les desiderata de la censure ; mais c’est également vrai pour les cinéphiles, toujours à l’affût d’une version non censurée et exploitée sous le manteau, à l’heure où internet n’avait pas encore facilité cette chasse au trésor.
C’est dans cette ambiance que naît Vendredi 13, en 1980, sous la houlette du réalisateur-producteur Sean Cunningham. Deux ans auparavant, John Carpenter créait tout un pan du cinéma populaire en révolutionnant à la fois le fantastique et le thriller avec Halloween. Dans ce dernier, Carpenter crée un méchant terrifiant, manifestation homicide du mal à l’état pur, sans la moindre justification, rendu plus terrible encore par son masque impénétrable. Cunningham crée donc un méchant homicide, violent, pourvu lui aussi d’un masque appelé à devenir culte – mais il tente de trouver une justification aux agissements de son assassin, ce qui rétrospectivement pose son Vendredi 13 comme réellement inférieur au film de Carpenter.
Avec le Vendredi 13 de Nispel, la logique est respectée. Il y a deux ans de cela, Rob Zombie, certainement l’un des cinéastes les plus intéressants de la mouvance fantastique actuelle, réalisait le remake du Carpenter, avec un Halloween qui s’amusait avec un talent certain à donner un passé, une justification aux actions de Myers – une vague histoire de famille avec laquelle il réussissait à distiller une nouvelle mouture de ce mal horrifiant qui habite Mike Myers. Zombie se montrait un continuateur très digne de la problématique dessinée par Carpenter.
Nispel se montre… un copiste fervent, tout au plus. Que retenir de son Vendredi 13 ? Avant tout, le film reprend la recette fade qui avait présidé à son remake du Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper : on prend les mêmes, et on recommence en plus gore. Évidemment, la jeune génération semble préférer les outrances gores mais finalement très vides de ces remakes. Mais que reste-t-il de la volonté vacharde, subversive, moqueuse envers la censure, en un mot, que reste-t-il de la volonté des cinéastes bis qui se sont penchés sur les berceaux des monstres des années 1980 ? Rien qu’un retravail efficace mais sans âme autour du schéma attendu : des jeunes idiots et libidineux ; des plans de cul très complaisants ; des meurtres correctement gores ; des effets prévisibles.
En 1980, dans le premier Vendredi 13, la mère de Jason Voorhees assassinait sans pitié pour satisfaire son besoin moral de justice. Vers où se tourner, pour le spectateur américain bercé de puritanisme : prendre fait et cause pour la mère « juste » et meurtrière, ou pour les malheureuses victimes tout de même coupables d’irresponsabilité chronique et d’une tendance appliquée au sexe dans tous les coins ? De telles subtiles interrogations semblent avoir déserté la filmographie de copiste de Marcus Nispel. Finalement, on prendrait presque en pitié ce pauvre Jason de n’avoir pas eu, pour le servir, un cinéaste du talent de Rob Zombie.