Il fallait s’y attendre – après Le Secret de Terabithia, début remarqué dans le domaine du conte de fées « mature », Gabor Csupo s’est vu confier un récit a priori dans la même veine. Cette adaptation du classique enfantin Petit Cheval blanc d’Elizabeth Goudge, comme son prédécesseur, est cependant un film en trompe-l’œil, se jouant de son cahier des charges, avec cependant moins de bonheur que Le Secret de Terabithia.
Marry Merryweather (« beau temps », ça veut dire… Les gentils, donc.), jeune demoiselle de l’ère victorienne, se voit confiée aux soins inattentifs de son oncle, Sir Benjamin Merryweather, seigneur de Moonacre. Là, elle découvre les liens de haine ancestraux qui lient sa famille à une famille rivale, les très méchants De Noir (en français dans le texte, s’il vous plaît). Elle se rend également compte, grâce à un ouvrage laissé par feu son père, qu’elle est la seule à pouvoir empêcher la destruction ultime des deux familles, et ce évidemment, dans un temps très limité…
À première vue, le scénario du Secret de Moonacre relève tout autant du merveilleux que celui du Le Secret de Terabithia : haine ancestrale, artefacts magiques, dans une contrée aux faux airs d’Irlande fantasmée – même une bande-annonce ultra surchargée en Computer Generated Images qui vaudra au film les mêmes reproches que ceux soulevés par Le Secret de Terabithia : mais où sont ces effets dans le film ? Tout concourt à faire du Secret de Moonacre un énième conte à CGI sans personnalité. Qui se souvient du surprenant traitement doux-amer du Secret de Terabithia ne saurait cependant soupçonner Gabor Csupo et son équipe de s’arrêter là.
Et pour cause. Conscient du potentiel kitsch de son récit, le réalisateur a laissé la bride au cou à son équipe. Dans les mêmes circonstances, Oliver Parker avait réalisé un De l’importance d’être constant, avec Rupert Everett, tout à fait dandy et savoureux. De son côté, Olivier Dahan avait dangereusement raté son Petit Poucet, avec les mêmes cartes en main. Que penser, alors, de ce Secret de Moonacre ? Fondamentalement, le film n’est pas véritablement réussi – il demeure une historiette vaguement féerique, entre personnages diaphanes et splendeurs visuelles épiques et mythologiques.
Mais, manifestement, l’équipe s’est bien amusée, et ce sont ces excès qui font le charme et la personnalité du Secret de Moonacre, petit film cabotin. Ainsi, Tim Curry prend un plaisir manifeste à en faire des tonnes – mais qui n’en ferait pas autant, lorsqu’on joue un personnage tout de même nommé Cœur de Noir ? Dakota Blue Richards, dans le rôle de notre princesse, a l’air aux anges dans ce jeu de poupées grandeur nature et fort bien habillées. Elle s’essaye même à réellement interpréter un personnage, ce qui doit la changer des fonds vides de La Boussole d’or. Le fils de la famille De Noir grimé en clone noir d’Alex dans Orange mécanique et la gouvernante de Marry qui, engoncée dans un corset trop petit, laisse élégamment échapper quelques petites éructations avec un parfait naturel ; poursuivent la liste de personnages dessinés à gros traits mais certainement divertissants.
Formellement, l’équipe semble également s’être amusée à forcer le trait, à la fois dans une photo surchargée et dans une mise en scène parfois grandiloquente. Finalement, peut-être que Gabor Csupo, voulant éviter d’être catalogué, s’est amusé à saborder le projet, en accentuant ironiquement l’image kitsch qui véhiculait potentiellement le projet. Ce qui peut laisser un goût amer, lorsqu’on sait que le réalisateur est capable d’une subtilité de mise en scène assez rare, et que, de plus, les producteurs du film (franco-anglo-hongrois), loin d’Hollywood, auraient pu laisser au réalisateur l’opportunité de faire un vrai film, de développer une réelle personnalité. Ce sera à confirmer plus tard – quand Gabor Csupo aura fini de s’amuser.