Sous son didactisme prononcé et un typage sociologique quelque peu rigide, le dernier long-métrage de Philippe Faucon (La Trahison, Dans la vie) retrouve l’armature, l’économie et l’efficacité des séries B. En remontant aux sources d’un attentat, il démystifie l’aura fantasmatique du terrorisme islamique et investit un sentiment d’urgence tragique digne d’un polar implacable.
Le dernier film de Philippe Faucon prête le flanc à bon nombre de reproches. On ne manquera pas de lui opposer son didactisme et le lot de simplifications, de raccourcis qui l’accompagnent. Certes, il suit étape par étape le parcours d’un jeune de la banlieue de Lille qui, à l’issue de ses études, peine à trouver du travail, se décourage et se laisse embrigader dans une cellule islamiste radicale, jusqu’à la perpétration d’un attentat au siège de l’OTAN à Bruxelles, avec un petit côté démonstratif qui sent bon le dossier social épluché pièce par pièce et l’échantillonnage sociologique. Mais s’arrêter à cela, qui est indéniable, serait se priver de ce qui fait tout son intérêt. À savoir, d’une part, la façon dont Faucon donne chair à sa démonstration, cette entente parfaite qu’il entretient avec ses acteurs et confère à chacun des plans une réelle intensité, ne cessant de croître à mesure que le film avance. Cette force se retrouve dans sa mise en scène qui, sous ses airs de statisme minimal, de simple suivi des personnages, leur donne un champ salutaire, un espace où il existe toujours une porte de sortie. Et cet espace, progressivement, se resserre.
D’autre part, l’effet « dossier » épouse l’engrenage infernal que décrit le film. Une mécanique implacable dont rien, absolument rien, n’est laissé au hasard – désillusion, attente, pression familiale, auto-dépréciation, déni, rejet – et qui laisse planer un terrible fatum sur la tête de son héros, peut-être plus victime de sa faiblesse morale, de son pessimisme, de son lâcher-prise, que des violences sociales (il est français d’origine maghrébine et les employeurs voient d’un mauvais œil son nom sur un C.V.). Les étapes de sa chute s’enchaînent dans une trame serrée, une sorte de logique cause-conséquence irrésistible, qui laisse très tôt entrevoir la perspective de sa chute. En fait, l’extraordinaire ici, c’est que le cinéma français, sans rien abandonner de ses préoccupations sociales, s’empare de l’efficacité d’une série B, qui raconte beaucoup en très peu de temps, qui tire le maximum d’une petite troupe d’acteurs et de trois bouts de décor. Le film ne dure pas plus de quatre-vingts minutes. De drame social, il se mue en film de gang, polar désespéré, film noir et, enfin, tragédie brûlante, attisée par les armes blanches et froides d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens.