Tel un vulgaire Jason Voorhees, le slasher, officiellement enterré par Wes Craven en deux coups de pelle (Freddy sort de la nuit en 1994, et Scream en 1996), n’en finit pas d’avoir des soubresauts post-mortem. Tucker & Dale fightent le mal explore une piste plutôt relativement inédite dans le genre : celle du pur burlesque méchant. Et, si le film n’assume pas ses excellentes intentions jusqu’au bout, le talent et la culture cinématographique de son équipe restent indéniables.
Voici Tucker, voici Dale. Ce sont les meilleurs copains du monde. Dale, malgré son look d’ours fan de ZZ Top, est un grand timide, fleur bleue, et dévoué corps et âme à son pote Tucker. Tucker, c’est le « cerveau » du couple. Il vient de réaliser sa Grande Ambition : s’offrir une cabane isolée dans les bois, près d’un étang poissonneux. Ô, félicité, ô, ambroisie : un week-end de pêche ! Entre meilleurs copains ! AVEC DES BIÈRES !
Franchement, est-ce que c’est de leur faute si une bande de teenagers décérébrés choisissent précisément ce coin pour leur week-end de camping-sexe-drogue ? Et qu’ils meurent bientôt, les uns après les autres, dans des accidents horribles où tout désigne les deux copains comme les coupables ?
Eli Craig, à la réalisation, et Morgan Jurgenson, au scénario, ont parfaitement compris le potentiel burlesque du slasher et du gore – comme Peter Jackson en son temps, avec le classique BrainDead. Si le sens de l’outrance propre (enfin, propre…) au Néo-Zélandais leur fait défaut, les auteurs de Tucker & Dale fightent le mal maîtrisent parfaitement les mécanismes du burlesque façon Harold Lloyd ou Buster Keaton, appliqués au slasher. Sorte de Laurel et Hardy ploucs, bêtes et sales, le couple formé par Tyler Labine et Alan Tudyk fonctionne à plein régime, tronches ahuries et gestuelles outrées, face à une horde de jeunes crétins que l’on prend plaisir à voir décimés dans des circonstances toujours plus drôles et plus improbables.
Pour parfaitement jouissif et efficace que le procédé de Tucker & Dale fightent le mal soit, il reste cependant un procédé, et malgré son inventivité, le film ne va jamais au-delà de sa seule intention burlesque, manquant de la finesse qui faisait le sel des films « métacinématographiques » de Wes Craven. Cette étroitesse de vue se manifeste pleinement dans la dernière partie, où le film, incapable de donner un sens réel autre que l’amusement pur à son humour, prend la direction du slasher traditionnel. Il perd alors toute identité propre, pour ne devenir qu’un avatar moyen du genre. Nettement divisible en deux parties, l’une désopilante et brillante, l’autre horriblement redondante, Tucker & Dale fightent le mal plaît autant qu’il agace, déçoit. Malgré tout, son avalanche de péripéties bouffonnes et de petites phrases devrait lui assurer son statut de classique mineur.