Enfermée dans un quotidien morne, une jeune Belge a la chance d’hériter de sa grand-mère une maison en ruines. Plaquant sur un coup de tête petit ami, famille et accablantes perspectives professionnelles, la jeune femme part pour les montagnes corses. Très bien accueillie par les locaux, elle décide de s’y installer. Au cul du loup raconte une modeste petite histoire dans un très beau cadre et ce premier film belge, tout en réserve, a l’ampleur de sa timidité.
Opposant franchement le mode de vie urbain de Christina et le monde rural découvert en Corse, Au cul du loup (autrement dit : dans le trou du cul du monde) déploie une narration traditionnelle, voire convenue. L’exposition ne s’embarrasse pas de détails : de la lecture du testament à l’obsession de la famille de Christina pour la vente de la maison, les enjeux du film sont très vite et très clairement posés. La protagoniste, par amour pour sa grand-mère défunte, veut se rendre en Corse coûte que coûte pour découvrir cette maison dont elle ignorait l’existence. Et comment ne pas tomber pour ce paysage si séduisant, et loin de tout… La dichotomie entre les deux mondes (Belgique grise, boulot ingrat, proches peu compréhensifs ; montagne corse magnifique, plaisir et simplicité de la vie rurale, autochtones agréables) manque de subtilité et s’inscrit dans une intrigue qui se déroule sans surprise. Raconté simplement, le bouleversement qu’Au cul du loup met en scène se déploie sans aspérité et selon une trame assez évidente, parsemée de quelques conflits peu captivants. Si le personnage quitte tout, un soir, sous le coup d’une impulsion, ce départ spontané donne plutôt l’image d’un scénariste peu captivé par un univers vain (la partie belge) et un récit sans enjeu véritablement intéressant.
Malgré cette structure conventionnelle, c’est par son sujet avant tout que ce film peut séduire. Si les scènes en Belgique sont aussi pesantes que le propos est facile (pousser le personnage dans ses retranchements en exagérant l’incompréhension et l’entêtement de ses proches), la partie en Corse et notamment la découverte du cadre par Christina sont assez engageants. C’est sans doute grâce à l’actrice principale, qui joue avec réserve et retenue (ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas dans la partie belge). Son amourette avec un berger corse se donne subtilement – et le film, d’ailleurs, a la finesse d’en laisser le devenir en suspens. L’intelligence du film, en fait, est dans ses silences : dans la très bonne scène, par exemple, dans laquelle l’inconsciente citadine croit pouvoir rejoindre, à peine couverte, son berger dans les hauteurs. La scène s’étire à mesure que Christina, prenant son temps, avance dans la montagne : la nuit tombe, le froid l’entoure, les sentiers qu’elle emprunte deviennent menaçants. Avec une efficace mise à distance, la tension s’installe peu à peu et le spectateur découvre le danger avec les yeux du personnage prenant conscience de son imprudence.
Au cul du loup est en somme un petit film classique et sans prétention, qui brille plus par son sujet (l’éblouissement d’une urbaine sans avenir pour la montagne qu’elle découvre) et son cadre (une magnifique petite maison perchée au milieu de nulle part) que ses ambitions cinématographiques. Il pèche malheureusement en s’ancrant dans une division laborieuse entre les deux espaces dans lesquels la protagoniste évolue – deux espaces dont la rencontre, dans la dernière partie de la fiction, renvoie le film à ses pires défauts (propos stéréotypé, enjeux fades, banals et jouant à plein sur la compassion).