L’argument de House of Boys laissait espérer un film plus proche des Témoins de Téchiné que d’un croisement entre un mauvais Almodóvar et Showgirls. C’est malheureusement dans ce deuxième modèle que ce premier film luxembourgeois se fond le plus. Le résultat tient du pot-pourri et du film qui n’assume pas la petitesse de ses moyens, malgré un sujet intéressant.
Fraîchement débarqué à Amsterdam, Frank, jeune fugueur homosexuel et fêtard, se fait planter par sa meilleure amie. En pleine nuit, sous la pluie, avec tout ce qu’il possède dans quelques sacs à dos, l’enthousiaste jeune homme tombe sur « the house of boys », club gay tenu par « Madame » (Udo Kier), qui prend sous son aile de jeunes danseurs en échange de leurs performances sur scène – et plus si affinités. Il les héberge dans son arrière-boutique, une sorte de club convivial et rigolo, à mi-chemin entre le bordel et la colonie de vacances. Frank est immédiatement accepté et adopté. Dans cette histoire d’apprentissage traditionnelle, le protagoniste découvre et apprivoise l’amour, surmonte quelques galères puis plonge, en même temps que le reste du monde, dans l’enfer de cette nouvelle maladie qui frappe son amant.
Si la matière fait défaut à certains films, ce n’est pas le cas du premier long-métrage de Jean-Claude Schlim, visiblement très personnel. Sur le papier, House of Boys ne manque pas d’intérêt et d’enjeux, notamment grâce au personnage de Jake, hétéro en couple avec une femme mais se prostituant quand même à la house of boys. Notre héros, qui partage sa chambre, en tombe immédiatement amoureux. Mais cette intrigue est parasitée, de bout en bout, par une naïveté confondante. Est-elle sincère, ironique, la conséquence d’un petit budget de production ? La modique mise en scène ne donne pas seulement lieu à l’épuisement total de ces tensions, elle leur confère aussi un aspect assez grotesque, résultat de l’écart entre les louables prétentions du scénario et les moyens du film. D’abord plutôt drôle (voir par exemple la scène dans laquelle Frank, amoureux transi, observe au réveil son camarade de chambre endormi, à moitié nu, le corps baigné de soleil), cet écart devient gênant dans la deuxième partie du film. À l’enthousiasme et l’insouciance du protagoniste bien accueilli dans un nouveau foyer succède en effet la gravité du sujet qui envahit la fiction : le sida. Alors, la pauvreté des moyens et des effets (cristallisée sur le corps de Jake surtout) devient embarrassante. L’écart n’est plus tant ridicule qu’inefficace, puisqu’il n’est plus temps de rire.
On trouve l’autre principal problème du film chez ses acteurs, sans doute recrutés pour leurs belles gueules et leurs compétences de danseurs plus que pour leur capacité à incarner les personnages et les enjeux de l’époque dont il est question. L’enthousiasme inébranlable représenté par Layke Anderson (Frank) contribue à rendre insipide le propos du film. On ne croit pas non plus à l’interprétation de Benn Northover tant il est clair dès sa première apparition que cet hétéro supposé finira dans les bras du protagoniste. L’évidente naïveté du film et l’insuffisance des moyens empêchent de saisir l’intensité du propos, perturbé qui plus est par l’ingénuité de sa trame narrative qui croit pouvoir, in fine, cristalliser le caractère de son personnage mourant dans des flashbacks d’une impressionnante maladresse.