Petit film indépendant écrit, réalisé, monté, produit et interprété par Ashley Cahill, Malcolm fait office de pendant américain à C’est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux. Mais là où le Belge n’avait qu’un discours humoristique (très noir et réjouissant par sa subversion), l’Américain y ajoute une satire sociale du New York Disneyland qui se dessine depuis une trentaine d’années. Subversif donc, jouissif et réflexif, Malcolm plaît tout autant qu’il interroge.
Jeune trentenaire apparemment hipster et érudit, Malcolm n’est pas ce qu’il paraît. Derrière ses atours de New-Yorkais branché, il cultive un sérieux penchant pour le meurtre, mais ne se revendique pas serial-killer pour autant. Au contraire, ses actes ne seraient pas motivés par des pulsions obscures mais plutôt par un désir de changement, de révolution. New York se serait d’après lui, embourgeoisée, la tranquillité de certains quartiers auraient fait emménager en masse les bobos consuméristes, chassant les artistes et autres marginaux qui ont pourtant donné ses lettres de noblesse à la grosse pomme. En cela, on ne peut que donner raison à Malcolm. Il n’y a qu’à visionner les œuvres de Scorsese (Taxi Driver en tête) ou celles de Ferrara pour découvrir un tout autre visage de la mégapole. Des dealers arpentant Times Square, des cinémas porno ayant pignon sur rue ont effectivement été remplacés par des grappes compactes de touristes et des boutiques clignotantes, identifiables par leur logo et présentes dans le monde entier. Cette disneyisation a naturellement éradiqué la marginalité (artistique) et la criminalité. Malcolm, nostalgique de ce bouillon de culture, est bien décidé à changer les choses. Pour cela, il trucide, égorge, noie, abat froidement (mais avec humour et sens politique) ceux qu’ils considèrent comme esclaves du confort et de la société de consommation. Tout le monde en prend pour son grade : les fans de musique tendance adoubée par la presse consensuelle (MGMT dans le texte), les actrices d’Hollywood qui viennent s’encanailler à New York (Kirsten Dunst en tête qui fait une petite apparition amusante), les frimeurs qui portent des tee-shirts Godard et Truffaut… Les branchés n’ont qu’à bien se tenir. Ce jeu de massacre, terriblement drôle, n’oublie pas pour autant de montrer la violence que Malcolm essaime sur son passage.
Mais pour parfaire tout discours politique, faut-il encore pouvoir brandir un manifeste. C’est dans cette optique qu’il se fait suivre constamment par un caméraman, filmant ses méfaits tout autant que ses gueuletons entre potes. C’est ce spectacle, décadent et immersif, que nous propose Ashley Cahill dans Malcolm. Hommage à C’est arrivé près de chez vous (à travers le dispositif filmique et le ton), le métrage parvient à innover par les justifications apportées par le personnage. Capillotractées, elles n’en sont pas moins pertinentes et assez vertigineuses (« après deux meurtres, on verra les prix des loyers s’effondrer dans ce quartier, et les marginaux s’y réinstaller » dixit Malcolm). Quant au finale, qui piétinait un peu dans le film de Belvaux, autant dire que Cahill se (nous) fait plaisir, en le situant dans un cinéma, bouclant ainsi sa boucle.
Petite surprise jubilatoire de ce début d’année, Malcolm ne se prend pas au sérieux, mais pointe tout de même les dysfonctionnements de notre société de consommation (et les répercussions qu’ils induisent) avec humour et intelligence.