Repéré grâce à ses courts métrages, dont Le Monde à l’envers, porté par le duo Myriam Boyer/Vincent Macaigne, ou Mon héros, sélectionné aux César, Sylvain Desclous passe au long en croisant plusieurs de ses thèmes favoris : la filiation et ses aléas, le monde du travail et une vision déprimée de la province française.
Trop sage, sur la forme comme sur le fond, Vendeur souffre d’une absence chronique de rythme. C’est d’abord dû à un scénario d’un trop grand classicisme qui suit sans jamais surprendre les différentes étapes d’une réconciliation entre un père depuis longtemps absent et son fils quelque peu perdu dans ses choix de vie. L’histoire est en ligne droite, avec des scènes obligatoires soigneusement cochées : les retrouvailles, le premier geste de l’un vers l’autre, le mécanisme de transmission qui se restructure, les premières divergences qui amènent à la dispute… etc.
Pour donner l’impression d’avancer, le récit ne fait qu’ajouter strate sur strate. Le personnage principal du père vendeur chevronné se voit ainsi affublé de tares successives qui prennent l’allure d’une énumération sans fin (l’alcool, les prostituées, la cocaïne…). Quand survient la menace de la maladie cardiaque, suivie de peu de la mort du père de ce père, forcément lui aussi très absent, le tableau devient bien trop complet. Rien ne manque pour bien expliciter l’histoire qui se déroule devant nos yeux, sauf que tout semble être plaqué sur les personnages, et ne jamais survenir de leurs interactions.
Gilbert Melki
Cette mise à distance permanente se retrouve dans une mise en scène languide pour ne pas dire mollassonne. Sylvain Desclous a toujours un pas de recul par rapport aux situations qu’il filme, refusant systématiquement d’aller au cœur de l’action (que ce soit pour une scène d’amour ou pour un accident de voiture). C’est particulièrement visible dans les séquences de circulations en voiture, aussi récurrentes que plates. Elles ne sont là que pour dire le spleen vécu par le personnage principal et par extension celui qui nimbe les zones commerciales : redondantes au vu d’une narration qui appuie déjà lourdement dans cette direction au point de laisser poindre une certaine condescendance.
Le seul élément réellement concernant pour le spectateur tient à la prestation puissante de Gilbert Melki en bonimenteur talentueux, qui parvient malgré tout à insuffler de l’étrangeté et du mystère à Vendeur. Bizarrement absent du grand écran ces dernières années, il a toujours cette présence étonnante devant la caméra, un charisme tranquille, toujours quelque peu inquiétant comme si un volcan couvait derrière les bonnes manières.
Jouant de sa voix de basse, l’acteur contribue à la belle musicalité du film. Le compositeur Amaury Chabauty délivre en effet une partition sobre, élégante, qui accompagne parfaitement une playlist complexe, datée dans ses influences (il y a un côté très années 1980) mais qui donne aux zones d’activités commerciales filmées une intéressante coloration américaine. Entre stations service glauques, discothèques aux néons crus et hôtels mornes, on pourrait se croire dans une ville paumée des États-Unis en plein milieu de la route 66. Dommage que cet univers cohérent ne soit pas le théâtre d’une histoire plus dense que celle qui nous est proposée.