Alors que la France est paralysée par un mouvement social de grande ampleur, Marc Roux, un cadre modèle pris en otage, enrage contre la racaille gréviste. Il doit rejoindre Rome pour la signature d’un important contrat. Vincent Disse se rend dans la même ville mais ne présente pas du tout le même pedigree politique. Selon des codes bien balisés, le film réunit donc des contraires qui ne partagent rien, les circonstances les obligent cependant à une cohabitation le temps d’un road-movie vers la capitale italienne. Un point de départ qui suscite une certaine curiosité avant de tomber très rapidement, sans que l’ensemble soit pour autant méprisable, dans une vacuité à peu près totale.
L’ouverture plante le décor à l’aide d’images d’actualité : quais bondés, cortèges de manifestants enveloppés par les volutes de fumigènes (trop forts les cheminots à ce jeu-là). Puis, on se raccorde à la fiction en découvrant Marc Roux (Patrick Timsit) dont les avions puis les trains sont annulés les uns après les autres. Il peste contre les irresponsables preneurs d’otages empêchant les braves citoyens d’aller chercher les points de croissance avec les dents. Ne pouvant comprendre que l’on ne puisse penser comme lui, excédé, il s’adresse à d’autres personnes, dont Vincent Disse (Charles Berling). Ce dernier lui répond qu’il est tout acquis à la cause en général et au droit de grève en particulier. Se rendant au même endroit, à Rome, ils vont pourtant constituer un équipage pour le moins contrasté : le « gros con de droite » pragmatique pestant contre les couloirs de bus « à Delanoë » versus « l’idéaliste de gauche » moralisateur et hédoniste. Évidemment la route ne sera pas droite, et chacun ressortira changé de ce périple. On apprendra notamment que la vie est compliquée.
La situation installée, le film trouve son rythme, et c’est l’un des problèmes puisqu’il est de croisière et sans surprise. À intervalles réguliers, soulignés par une musique entraînante, on retrouve ces plans d’actualité avec des agriculteurs écrasant des choux devant les préfectures, variante estampillée développement durable des pneus brûlés, ou des routiers en pleine opération escargot. Autre manière de donner du punch, les deux compères s’agacent mutuellement sans cesse. Ils se quittent puis se retrouvent, ce qui apporte, à force et assez rapidement, une pointe de lassitude et une forme de désintérêt pour leurs turpitudes routières et personnelles. Il faut bien reconnaître que grande est parfois la tentation de les laisser au bord de la route. Bon, il y a bien quelques gags, quelques situations amusantes, mais bien peu. Un effort est fait d’un point de vue visuel, quelques cadrages travaillés ou un jeu avec les lumières nocturnes. Le montage tente aussi de booster l’ensemble, mais peine perdue : tout ça patine. Et lorsque l’on a vu Eldorado de Bouli Lanners quelques jours auparavant, la comparaison, si elle est possible, est des plus cruelles à tous les niveaux, y compris l’interprétation, parce que ça rame aussi de ce côté-là.
À partir de la constitution unidimensionnelle des personnages par le biais de l’idéologie, Frédéric Andréi défait peu à peu les enveloppes pour en faire des êtres bien plus complexes qu’ils n’y paraissaient a priori. Le road-movie comme éternel révélateur intérieur des personnages au gré du déplacement, du cheminement et des rencontres. Le cadre dynamique découvre que la réussite d’une vie n’est pas limitée à un chiffre d’affaire, quant au gauchiste, il s’avère misanthrope, individualiste et n’entend dépendre de rien ni de personnes. Bref ces gens ont des fêlures et la vie, comme cela a déjà été dit, n’est pas facile tous les jours. Et puis chacun a ses petites vérités à dire sur l’autre. Bref, le propos est assez édifiant et lénifiant, on se demande parfois si les paroles du générique d’Arnold et Willy ne vont pas retentir : « Il faut de tout pour faire un monde. » Et l’on en serait presque à se demander finalement s’il ne s’agirait pas du lancement d’un Scud du MoDem de François Bayrou à la face d’une France minée par la désunion.