E.T.? Un boulot d’amateur ! Abyss ? Une distraction pour poisson rouge ! 2001 ? De la petite bière ! Vous voulez parler contact avec une intelligence extra-terrestre ? Les Chimpanzés dans l’espace est le film qu’il vous faut. Avec son scénario abracadabrant, sa naïveté crasse, son character design digne d’un dessin animé télé petit budget du début des années 1980, sa morale lénifiante, le premier film du scénariste de Zig-Zag, l’histoire du zèbre qui voulait devenir cheval de course (puisqu’on vous le dit), est probablement une des plus grosses daubes en CGI jamais vues. Totalement consternant.
Et en plus c’est un biopic ! « Star » de la conquête spatiale, Ham (Jambon, donc) est un chimpanzé qui servit de cobaye pour les tests des modules spatiaux. Il survécut à son traitement de choc et fit même la couverture de Life, une consécration enviable s’il en est. Les Chimpanzés dans l’espace part du principe que Ham III, petit fils du jambon susnommé, est désormais homme-(enfin singe-)canon dans un cirque. Et le jour où un module spatial est avalé par un trou noir, et recraché sur une planète extraterrestre, il convient de faire faire le même trajet à un vaisseau habité. En avant les singes donc. Mais pas n’importe lesquels : les singes astronautes, dont un qui possède un Apple (mais si mais si c’est normal) avec symbole banane à la place de la pomme (drôle. Ah ah ah.), qui parlent parfaitement anglais même si les humains ne les comprennent pas (c’est très pratique pour les doublages), et qui sont parfaitement capables de piloter une navette (ce qui prouve finalement que ça ne tient pas à grand-chose d’être militaire de carrière). Et Ham III, donc, et ce malgré le fait que l’équipe de « singes de test » soit déjà parfaitement au point, mais bon, c’est du symbole tout ça. Et voilà nos primates pas si primitifs que ça – l’un compose « Axel Foley » instinctivement, alors hein ! – parti pour la planète machin, où un terrible tyran en forme de grenouille géante, énervante et imbécile, va leur donner du fil à retordre.
Il y a (presque) toujours ce petit moment d’indécision, lorsque vous êtes un grand garçon (ou une grande fille), et que vous vous retrouvez devant un film d’animation, parce que, vous savez bien, tout le monde le dit, c’est pour les p’tits. Alors, parfois, la caution « Ghibli » vous sauve la face : tout le monde sait que c’est très bien, très profond, tout ça. D’autres fois, c’est la bonne surprise : Amer béton ou U, par exemple, qui transcendent haut la main les frontières de genre. D’autre fois encore, c’est déjà plus difficile, vous vous retrouvez devant un film voulu pour les mioches, mais l’ensemble est plutôt réussi, et même si certaines facilités gênantes sont prises dont le grand garçon (ou la grande fille) que vous êtes n’est pas dupe, on prend un plaisir régressif à s’abandonner face à l’écran (que celui qui n’a pas rigolé bêtement devant la chanson du bouc de La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge me lance un pot de beurre à la figure).
Mais voici Les Chimpanzés dans l’espace. Celui-là, c’est autre chose. Non seulement le film ne sauve jamais la mise en proposant divers niveaux de lectures, non seulement il est incapable d’apporter le moindre plaisir à son spectateur, mais en plus il aligne avec application faux-pas narratifs (tiens, un personnage a été mangé, tiens, il est revenu sans explications), facilités mièvres (notre héros parfaitement pas volontaire qui se découvre un héroïsme parce que son papa lui dit), morales lénifiantes (crois en toi, les amis c’est bien, la famille aussi…) et assénées avec la subtilité d’un CRS réprimant une manif étudiante un lendemain de coupe du monde foot perdue, visuels navrants de médiocrité (la planète des E.T. ressemble à la version « contrefaçon chinoise cheap » d’un décor de luxe de Mon petit poney), et j’en passe. Un film d’animation raté, c’est l’ennui, parsemé de petits moments de bonheur et de rire sans prétention (Les Rebelles de la forêt, par exemple), mais ce Chimpanzés dans l’espace réussit l’exploit de susciter la haine pour l’objet filmique, tant il est médiocre – et ce, presque à chaque instant.
La meilleure chose à faire pour dresser un portrait – non exhaustif, ce serait une tâche herculéenne – du ratage des Chimpanzés dans l’espace serait d’enjoindre les spectateurs à aller voir le film, et à se rendre compte par eux-mêmes de la catastrophe, et de combien ce film peut susciter de moments de consternation à la minute. Mais l’idée même d’assurer, ce faisant, des entrées à cette idiotie navrante est cinématographiquement criminelle. Passez donc votre chemin, c’est un conseil d’ami.