Le mot à la mode, aujourd’hui, c’est re-cy-cler. Bravo donc à Christian Alvart pour son initiative citoyenne : le voilà qui prend ses Quatrièmes Dimensions usagées, son Alien périmé, et son 28 jours plus tard oublié dans le frigo, et qui nous concocte un space-thriller au bon goût de réchauffé. Miam ?
On reconnaît un grand cinéaste à ses obsessions, à son style visuel : voyez Haneke, Eastwood, Burton, Mann. Tous ont leur marque de fabrique, leur style. C’est aussi vrai pour les cinéastes moins prestigieux : chez eux, la langue cinéphilique parle de « gimmick », parce qu’il faut que ça fasse moins sérieux. Paul W.S. Anderson – souvent confondu, à la consternation de l’un comme de l’autre, avec Paul T. Anderson – est un cinéaste à gimmicks.
Tâcheron du cinéma bis au doux parfum de direct-to-video, Anderson s’en sort parfois avec de – relativement – petites productions qui recueillent un joli succès populaire et marquent les spectateurs. Ainsi, demandez à n’importe quel amateur de série B ce que lui évoquent les indices suivants : un film de science-fiction, dans l’espace, avec un vaisseau gigantesque et cyclopéen, des meurtres, des monstres, une inspiration littéraire et Dennis Quaid. Il vous répondra immanquablement : Event Horizon – et il aura bien raison !
Il est donc possible que Pandorum entretienne de fortes similarités avec Event Horizon : Dennis Quaid y campe un commandant de bord d’un vaisseau gigantesque, prévu pour la colonisation de Tanis, une nouvelle Terre bien pratique alors que la première du nom a vu ses ressources taries par une population de 25 milliards d’humains. Sauf qu’à son réveil, flanqué de son seul mécano, il se rend compte que rien ne va. Non seulement il est enfermé dans sa cabine, mais le pont ne répond pas, et le vaisseau est désormais habité par de mystérieux humanoïdes cannibales et barbares. Tout cela, alors que flotte, omniprésente, la menace du Pandorum, la fièvre de l’espace, à forte composante paranoïaque…
Pour Event Horizon, Anderson avait trouvé l’inspiration du côté de H.P. Lovecraft – en réussissant plutôt pas mal la transposition spatiale des obsessions de l’écrivain de Providence, d’ailleurs. C’est cette fois du côté des serials de science-fiction qu’il se penche. S’il continue dans cette voie, on attend avec impatience ses prochains clones d’Alien, adaptés d’écrivain moins attendus : un space-opera trash adapté de Guillaume Musso avec un titre du genre « toutes les étoiles dans tes yeux » promettrait fort.
Hormis ce début de touche S.-F. « old school » – selon lequel les créatures seraient des humains prisonniers du vaisseau et chez qui une enzyme destinée à favoriser leurs capacités de mutation pour s’adapter à leur nouvel environnement aurait trop bien fonctionné – Pandorum pédale un brin dans la semoule. Comme souvent chez Paul W.S. Anderson – qui n’est ici, précisons-le, que producteur – le scénario a du mal à être à la hauteur de ses ambitions (notamment en ce qui concerne le climat de paranoïa instillé par la peur du Pandorum, mais pas seulement. Les contresens et raccourcis douteux foisonnent). Le montage du film laisse volontiers à penser que le film est peut-être long d’une heure de plus, mais qu’il a été remonté à la serpe pour atteindre l’heure et demie réglementaire, tant la cohérence du récit est parfois bancale. Le film utilise son budget jusqu’au dernier cent, mais semble avoir mis trop d’argent dans ses effets CGI (avec une occurrence rare, peut-être unique, d’un « effet rasoir » qui ne le soit pas, rasoir), et rattrape le coup en tournant toutes ses scènes d’intérieur dans une unique pièce assortie de deux bouts de couloir. Ce que réussissait admirablement Aliens en son temps, mais n’est pas James Cameron qui veut.
Certaines réalisations et/ou productions de Paul W.S. Anderson incitent les amateurs à l’indulgence (une, en fait : Event Horizon. Le reste de sa filmo fleure bon le bouquet de navets : Dead or Alive, Mortal Kombat, Alien vs Predator…) – ce ne sera cependant pas le cas de ce Pandorum bricolé par un amateur, et dénué des bons côtés gentiment provocateurs des films précités. Que ce soit nul, passe encore, mais si en plus c’est mauvais ! Manifestement destiné à l’exploitation DVD, dans la catégorie « film qui a l’air sympa à voir avec des potes et une pizza », Pandorum a l’air tout perdu sur les – quelques – grands écrans, où il ne devrait pas s’éterniser, et n’être regretté par personne.