Réalisateur allemand expatrié aux États-Unis, Robert Schwentke réalise ici son deuxième long-métrage américain, après Flight Plan (2005). Adaptation du best-seller The Time Traveler’s Wife (publié en France sous le titre Le temps n’est rien), Hors du temps s’avère n’être qu’une romance fort convenue et sans envergure, malgré un déroulement rendu artificiellement complexe par les incontrôlables voyages temporels du protagoniste masculin.
Lorsque Henry (Eric Bana), jeune bibliothécaire solitaire souffrant d’une anomalie génétique fort rare, rencontre Claire (Rachel McAdams), il ne se doute pas encore qu’elle le connaît déjà. L’instabilité moléculaire d’Henry le conduit en se dématérialiser pour voyager dans le temps, ne laissant derrière lui qu’un amas de vêtements. Ainsi, quand il sera plus âgé et marié à Claire, il rendra visite à de multiples visites à l’enfant, puis à la jeune fille qu’elle était. Lorsque Claire le voit dans cette bibliothèque, elle attend déjà cet instant depuis des années, secrètement amoureuse de cet étrange voyageur, dont les apparitions répétées dans la clairière proche du domaine familial ont rythmé son existence. La fillette a grandi et se retrouve cette fois-ci face à un Henry dont l’âge coïncide pour la première fois avec le sien. Cette jeune femme va offrir au voyageur la possibilité de rompre une trop longue solitude et d’accéder à l’illusion d’une certaine normalité. Car ce qui pourrait apparaître comme un pouvoir incroyable constitue surtout un handicap considérable pour cet homme incapable de maîtriser le moment de ces départs (pratique pour fuir les conflits ?). Mais l’amour de Claire ne résout pas tout. Comment se marier sans disparaître avant de parvenir à l’autel ? Comment construire une famille quand on transmet un patrimoine génétique temporellement instable ? Comment vivre en sachant que l’on ne peut modifier les événements traumatiques de son histoire familiale ?
Hors du temps est tout sauf un film de science-fiction, ce que revendiquent ses auteurs. Mais, l’ont-ils alors conçu comme une réflexion métaphysique maladroite ? « Où suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ? », se demande en effet Henry, ballotté par des voyages spatio-temporels de plus en plus harassants et perturbants au fil des années. « Où suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ? », se demande Claire en prenant conscience de l’imposture d’un prince pas si charmant que ça en dehors de sa clairière ensoleillée aux allures de conte merveilleux. Hors du temps s’affiche comme une histoire d’amour extraordinaire. On veut nous faire croire qu’il s’agit d’une aventure humaine où les liens du couple transcendent la logique du temps. « C’est un voyage émotionnel, le cheminement de deux personnes à l’intérieur d’une relation », nous explique Robert Schwentke, « le voyage dans le temps n’est là que comme catalyseur d’événements qui vont à la fois renforcer et mettre à l’épreuve leur lien. » Mais le film s’avère surtout être la démonstration d’une solitude intrinsèque à la nature humaine. Ainsi l’union d’Henry et Claire, bien plus que toute autre, demeure une illusion fragile. Henry connaît certains secrets qu’il ne peut partager avec personne, au risque de briser la fragile sérénité de son environnement présent. Claire se condamne à l’isolement dans l’attente perpétuelle de son voyageur du temps. L’histoire de ces personnages aurait pu constituer un drame bouleversant, mais on doit se résoudre à l’impassibilité devant la mièvrerie d’un film d’une naïveté rare. En outre, l’adaptation scénaristique de The Time Traveler’s Wife s’avère problématique dans sa construction énonciative. Le titre original du film, comme du roman-source, suggère une focalisation féminine du récit. Or, le film donne une importance égale aux deux membres du couple, quand il ne favorise pas clairement le regard masculin. Le freak aux allures de gendre idéal reste le centre de toutes les attentions. Cette masculinisation du point de vue annule la promesse faite par le titre : celle d’un film consacré au parcours d’une femme, qui se condamne à la marginalité en aimant un homme littéralement insaisissable. Mais ce film-là, nous ne le verrons pas.
Remarque du producteur : « Adapter un livre assez long au cinéma est toujours une gageure. Ce n’est pas seulement une question de longueur, c’est une question de structure. Il faut rester fidèle à la construction du livre, mais il faut aussi permettre au scénariste d’apporter sa propre créativité au projet. » Merci à Nick Wechsler pour cette vulgarisation des théories de l’adaptation cinématographique, qui nous oblige à reconnaître l’échec de cette démarche. Le film semble en effet d’une longueur invraisemblable, non pas à cause de sa durée réelle, mais à cause de l’ennui qu’il ne manque pas de susciter, même chez le spectateur le plus indulgent et le plus sensible à la guimauverie filmique. Il ne s’agit même pas d’un film de type chick-flick (« film pour les filles »), dont la projection pourrait permettre d’assouvir un plaisir coupable chez un public en quête d’évasion romantique. Non… On assiste juste au marasme de sentiments toujours tièdes et d’événements souvent attendus. On rêve en vain, pendant 1h50, de voir les personnages exploser sous le poids de cette temporalité éclatée qui malmène leur stabilité émotionnelle. Mais ils restent en permanence trop contenus, trop sages. Les rares conflits du couple sont étouffés dans l’œuf, sous le voile d’un amour pur et constant qui paraît, pour le coup, carrément science-fictionnel.