En ces temps d’Avatar, dont on nous vante la prime qualité comme étant sa perfection technique, Yona risque de détonner. Rintaro, grand nom de l’animation japonaise, revient avec ce projet œcuménique – international à la fois dans sa production et dans ses inspirations. Ambitieux et original, cependant pas exempt de gros défauts, Yona mérite largement le coup d’œil.
Du mérite du réalisateur : prenez l’argument d’Arthur et les Minimoys, substituez à l’imaginaire gras de l’inventeur des objets gentils celui de Rintarô, au CV duquel sont inscrits Metropolis et Albator. Résultat : un conte certes convenu, mais au visuel tout à fait enthousiasmant. Yona est une petite fille, grande amatrice de pingouins (kwek !), qui rêve plus que tout de réitérer l’exploit de feu son père : voler avec les pingouins. Perpétuellement vêtue d’un costume à l’image de ces animaux – une œuvre paternelle, la petite fille va être contactée par les gobelins du monde‑d’en-bas. Pour eux, elle serait l’ « oiseau sans aile », l’être qui les libérerait du joug du malfaisant Bouca-Bouh.
Un petit goût de déjà-vu, donc. Mais là où Luc Besson livrait un film agressivement kitsch, aux couleurs honteusement criardes, Rintarô imprime à son univers une douceur chatoyante. Dans des tons violets et bleus, le monde de Yona est d’une apaisante beauté. Abordant frontalement le défi de la 3D, Rintaro refuse de se confronter à Pixar, selon lui maître du marché avec son style propre. Au contraire, le réalisateur semble se positionner en tant qu’expérimentateur − à cet égard, il est aisé de voir ce que lui a véritablement posé problème : les visages.
Dans la grande tradition d’un cinéma humble et inventif, Rintarô semble conscient de cette difficulté formelle, et prêt à agir en conséquence. D’où, une mise en scène en esquive, palliant ses faiblesses par des expédients parfois lourds, parfois d’une attendrissante naïveté. À l’inverse, la scénariste semble vouloir trop en faire : mêler la tradition chrétienne, la mythologie anglo-saxonne et les créatures japonaises – soit. Mais le mélange, hétérogène, fait avant tout ressortir une embarrassante mièvrerie, qui cantonne le film au seul public enfantin.
Pourtant, quel potentiel ! Une fois admis les astuces de mise en scène, et ses jeux d’illusion, l’univers visuel de Yona est enchanteur, d’une originalité et d’une singularité bienvenues. Rintarô n’a pas craint d’aller au bout de son imaginaire esthétique, de l’appliquer à la 3D, aboutissant à un style unique, merveilleusement séduisant.
De la part du réalisateur du très beau Metropolis, Yona surprend. Ce précédent film était une alliance entre un scénario hommage à Fritz Lang et celui du manga qu’en avait tiré Osamu Tezuka, le tout avec de très étonnantes options narratives (qu’on se souvienne, par exemple, du climax destructeur avec pour seule illustration musicale une chanson d’amour de Ray Charles). Rintarô a pris des risques, avec Yona ; celui, notamment, de ne pas se reposer sur les lauriers critiques acquis avec Metropolis. Ces risques s’avèrent n’être que moyennement payants, avec ce Yona qui ne conjugue l’univers de Rintarô que sur un mode mineur. Mais quelque mineure que soit l’exécution, l’univers du réalisateur reste suffisamment singulier et fascinant pour qu’on ne passe pas ce nouveau film sous silence.