Si Phillip Noyce a déjà tâté du film d’espionnage par le passé (Jeux de guerre, Danger immédiat), il a cette fois troqué le vieil Harrison Ford pour l’inexpressive Angelina Jolie. Mais préférant la plastique de son actrice à son scénario, l’empilement de séquences d’action à la cohérence de son récit, Salt lorgne ambitieusement vers la trilogie Bourne, sans parvenir à insuffler un rythme à sa trame narrative décousue et passéiste.
Evelyn Salt (Angelina Jolie), travaille pour la CIA. Espionne de haut vol, expérimentée et patriote, elle partage son temps entre ses activités clandestines et son mari. Quand un dissident soviétique est arrêté et la met en cause, une facette inattendue de sa personnalité émerge. Salt aurait un agenda quelque peu inattendu : assassiner le président russe pour le compte d’anciens membres du KGB. Échappant alors à ses anciens collègues américains, elle se lance dans l’exécution de sa mission meurtrière.
Les synopsis de films d’espionnage se caractérisent rarement par leur originalité de traitement mais plutôt par l’ingéniosité tortueuse des scenarii. Si les amorces sont la plupart du temps attendues, les engrenages narratifs font souvent merveille. Salt pêche malheureusement par excès de paresse à surprendre voire piéger son spectateur. Reprenant la trame classique du héros considéré comme coupable (mais l’est-il vraiment ?) qui n’a d’autre choix que de fuir, Salt suit donc les sentiers (re)battus de ses prédécesseurs, sans s’en démarquer, ni même se hisser au niveau moyen d’exigence du genre. Mêlant des séquences dignes de Meurs un autre jour où Salt est malmenée dans des geôles nord-coréennes, des courses poursuites où tous les moyens de transport font de la figuration (Mrs Jolie saute d’un camion à une moto, d’une voiture à un métro), le film de Noyce s’apparente à un patchwork de déjà vu, mais les coutures trop visibles, mal suturées, ennuient profondément.
L’héroïne, introduite comme espionne américaine, fait volte-face sans préambule ni logique pour prendre les traits d’une Russe élevée au biberon de la guerre froide, n’ayant d’autre but dans la vie que « détruire l’Amérique » (le passage Ouest/Est, gentil/méchant étant explicité par une décoloration du blond naïf au brun menaçant). Peu crédible, ce retournement est étoffé par des flash-backs mièvres où l’on apprend entre autres que Lee Harvey Oswald était le premier agent d’un vaste projet de déstabilisation des USA (!) ou que les Soviétiques embrigadaient des enfants pour en faire des terroristes en puissance. Le traitement de ces souvenirs, tout en couleurs pastel un peu floues, confine à l’indigence (voire au comique involontaire).
Entrecoupé de dézingages bodybuildés tous azimuts et d’une multiplication de rebondissements et autres changements de camp, Salt se perd dans un gymkhana narratif des plus illisibles. Les motivations du personnage (la vengeance) ne sont, par exemple, jamais justifiées. Si on ajoute à cela l’opposition Est/Ouest totalement dépassée depuis vingt ans, une interprétation subtile toute en froncements de sourcils appuyés et moue figée (réduisant le jeu des acteurs à une fade pantomime), on obtient un film sans suspense (et pourtant les nombreux virages narratifs pourraient au moins étonner) et insipide (vu le titre, on se sent floué).
Salt ose même un final en queue de poisson qui laisse planer un sombre présage de suite(s) possible(s). Salt ressemble à ces franchises qu’on espère mortes dans l’œuf tant un deuxième volet s’apparenterait à un déjà-vu bis. Un comble !