Une beauté incontrôlable, un expert en art coincé et un homme d’affaires irascible : Gambit joue sur la recette vieille comme la comédie de faire cohabiter une heure et demie durant trois personnages que tout oppose. Écrit par les frères Coen et réalisé par Michael Hoffman (Le Club des empereurs, Tolstoï, le dernier automne etc.), Gambit lorgne du côté du rythme du cartoon et de l’esprit de la série La Panthère rose.
Dans le vocabulaire des échecs, le terme gambit correspond au sacrifice volontaire d’une pièce. Il désigne ici le plan échafaudé par un spécialiste d’art pour dépouiller d’une somme rondelette son patron, homme d’affaires aussi riche que tyrannique, collectionneur obsédé par Monet. Dans cette manigance où tout, ou presque, est prévu, la pièce maîtresse s’appelle P.J. Puznowski (Cameron Diaz), cow-girl du dimanche, redneck dégottée au fond d’un bled crasseux du Texas. Le projet de vol se déroule selon le plus parfait déroulement en quelques minutes seulement… excepté que cette scène d’exposition n’était en fait que le fruit de l’imagination de l’esprit optimiste du voleur. La mise en œuvre va être bien moins aisée qu’attendu, et le film joue sur le ressort comique du décalage entre les événements initialement prévus et leur déroulement.
Harry Deane (Colin Firth), avec son accent british et son langage châtié, débarque dans un bled du Texas pour dégotter PJ Puznowski (Cameron Diaz), plumeuse de poulet la semaine, et rodeo-girl du dimanche forçant l’argot texan et l’accent plouc. Pièce maîtresse du plan, elle est censée détenir le tableau de Monet tant convoité par le magnat de la presse et patron de Deane, Lionel Shahbandar (Alan Rickman, qui officia longtemps comme professeur à Poudlard l’école de magie d’Harry Potter). Nous sommes, avec Gambit, dans le canevas très balisé de la comédie jouant sur la réunion, le temps d’une intrigue, de deux personnages que tout oppose mais qui pactisent pour mener à bien un projet commun. Bien entendu, la cow-girl est plus fine qu’elle ne paraissait, l’expert en art plus pataud qu’attendu. Le ressort comique, lui, tient bien, comme prévu, dans le fait que les personnages ne sont pas si contrastés qu’escompté.
Même si l’on ne comprend pas vraiment ce qui pousse P.J. à s’installer dans l’hôtel le plus cher de la ville aux frais de Colin Firth, alors que l’homme d’affaires qu’ils cherchent à plumer sait pertinemment qu’elle vit dans une caravane au Texas, les scènes se déroulant dans l’hôtel Savoy, dans le style cartoonesque, sont les plus réussies. Harry Dean, qui a malencontreusement perdu son pantalon, est contraint de passer de chambre en chambre pour tenter de quitter l’hôtel. Alors que Colin Firth joue à merveille le regard détaché de celui qui n’a plus une once de dignité à perdre, le jeu sur l’espace de la chambre d’hôtel et celui du cadre jouent sur l’effet de répétition et de détournement du gag.
Pour le reste, cette arnaque à l’anglaise fait le boulot, sans plus. Chaque acteur déploie une grande énergie pour remplir son contrat, mais cabotine dans son coin. Colin Firth est bien plus convaincant dans ce contre-emploi comique où il joue à merveille la maladresse face à des objets rétifs, que dans les comédies romantiques ou les rôles dramatiques. Mais le partage de l’écran ne fait jamais d’étincelle, ni avec Cameron Diaz qui met un enthousiasme certain à jouer la vulgarité, ni avec Alan Rickman. Rien de déshonorant dans cette comédie parfois bien menée. Rien de bien neuf non plus.