On avait été frappé par l’amoralité du personnage principal de Limitless, héraut d’une époque avide de succès facile et sans scrupules. De ce point de vue, Players et ses protagonistes enterrent le film de Neil Burger. Mais est-ce tout ce qu’il y a à dire sur le film ? Hélas, oui, tant le film de Brad Furman n’existe que par son culte d’une vilenie de bas étage, au mépris de tout développement de personnage, de toute originalité narrative, de toute identité formelle. En somme, un film de médiocres.
Examinons de plus près le jeune Richie Furst (Justin Timberlake) : trader aux dents longues au moment de la crise des subprimes, ce méritant petit boursicoteur s’est vu priver de ses revenus légitimes par un fantômatiques « eux », les méchants de la bourse qui ont joué avec ses revenus, et qui ont perdu. Se percevant comme honnête et droit, notre héros s’estime spolié de ses gains et, surtout, de la reconnaissance qui les aurait accompagnés : Richie Furst, c’est le self made man fantasmatique de l’Amérique moderne. Revenu sur les bancs de l’école – Princeton tout de même –, notre bon Richie doit faire face aux frais d’inscription. Pour trouver la somme, il choisit de tout risquer sur un site de poker en ligne – étant fils de joueur, il a plus d’un tour dans son sac. Hélas, il perd tout : persuadé – à raison – que le site a triché, il file directement se plaindre au patron du site, Ivan Block (Ben Affleck), réfugié au Costa Rica. Ému devant tant de fair-play – « tu sais quels dégâts une accusation de triche pourrait faire à une réputation comme la mienne… » –, Block vire illico les informaticiens tricheurs et offre un poste en or à notre jeune loup. Enfin reconnu à sa valeur, et plein aux as, Richie doit bientôt faire face aux dangers de la corruption locale et au FBI, venu s’intéresser à l’organisation de Block…
Entourloupes, piège dans les pièges, mensonge dans les mensonges : Players aligne les lieux communs sans jamais déclencher le moindre soupçon de tension dramatique, ni approcher, ne serait-ce que de très loin, la vraisemblance. Tant que son petit monde convient à notre héros, on assiste à une ascension à la Scarface, version Brian De Palma ; dès que ça se gâte, il va blouser tout le monde en deux temps trois mouvements et s’en tirer sans une égratignure. La partie de poker est jouée d’avance, le personnage de Timberlake est lui-même un tricheur qui voit les jeux de chacun – il a le scénariste dans sa poche. Brad Furman, en illustrateur plat, sert sa soupe à son public-cible.
Glorification de la gloire et de l’argent immédiat, inconséquence intellectuelle et morale, sexisme basique (le personnage interprété par Gemma Arterton, normalement la complice la plus importante d’Ivan Block, servant uniquement de défouloir sexuel) : Players ne s’inquiète pas du réel qu’il est censé dépeindre, juste d’illustrer par l’exemple les déclinaisons d’une vision du monde de gosse hyperactif et gâté. Au-delà de la façon dont cela pourrait heurter des valeurs différentes, le plus triste est l’expression de cette vision dans la stylistique cinématographique : un respect inexistant pour son auditoire et pour son récit, un film plat et uniquement fonctionnel. Un anti-film, en somme.