De retour pour un troisième round, les héros de Cédric Klapisch s’envolent cette fois pour New York. Séparation, rencontre, mariage et naissance sont au programme de ce Casse-tête chinois.
Après son année d’étude à Barcelone (L’Auberge espagnole) et la rencontre amoureuse qui bouleverse sa vie (Les Poupées russes), Xavier (Romain Duris) le Parisien se fait plaquer par son Anglaise de femme (Kelly Reilly) après dix ans de bons et loyaux services. Celle-ci a décidé de s’installer avec leurs enfants à New York. Ni une ni deux, le jeune homme débarque dans la grosse pomme, sans boulot, sans argent et célibataire. Mais au pays de Klapisch tout est bien qui finit bien, le film déroulant une à une les étapes de cette « réussite » attendue.
Côté scénario, on l’aura compris, rien de bien excitant. Hormis la conclusion qui aura de quoi surprendre quant à la notion de l’amour (mais pas de spoiler), Casse-tête chinois joue la petite musique qui a fait le succès de ses prédécesseurs, à savoir le melting pot culturel, le dépaysement et les difficultés de l’amour au XXIe siècle. Car s’il y a un angle dont le réalisateur use et abuse, c’est celui de la mise en image des nouvelles technologies. Impossible car anachronique pour le premier volet qui travaillait déjà la notion de distance entre les personnages (entre Paris et Barcelone), l’apparition du chat (petite publicité pour Skype au passage) se taille la part du lion dans Casse-tête chinois. Devenu écrivain, Xavier communique grâce à internet avec son éditeur (interprété par Dominique Besnehard) et Martine son ex (Audrey Tautou). Cette solution de rapprochement dématérialisé sert de fil narratif durant la première partie du métrage, sortes de flashbacks où Xavier expose les raisons de sa présence aux États-Unis. Outre le fait que ce truc scénaristique soit facile et mal exploité, il aboutit surtout à annihiler un des charmes des épisodes antérieurs, le jeu autour de l’absence d’un personnage. De fait, tous les héros, même ceux restés au pays, participent à l’aventure, suivent les errances de Xavier, ce qui empêche la collision des deux mondes lorsque les personnages se retrouvent. Ils n’ont alors rien à se raconter sur leur temps de séparation. Mais Skype n’est pas la seule technologie à phagocyter le film. La visite de New York version Google Street View mérite amplement le titre de séquence la plus laide du mois. Alors que dans le premier volet le héros vantait le charme de se perdre dans une ville qu’on ne connaît pas encore (et la progressive adaptation qui en fait un lieu qu’on s’approprie), ce troisième épisode fait fi de toute symbolique du territoire inconnu pour embrasser la notion de village global. New York devient alors un quartier géolocalisable et parfaitement assimilé.
Mais ces scories technologiques ne sont que des détails à la vue des clichés qui émaillent Casse-tête chinois. La copine lesbienne (Cécile de France) fraichement installée elle aussi dans la ville qui ne dort jamais réside dans un appartement absolument sublime. L’ex-femme de Xavier a retrouvé l’amour en la personne d’un riche américain avec appartement dominant Central Park. Quant au héros, il loge dans un petit mais charmant logis au cœur de Chinatown. Pour des expatriés, ils s’en sortent plutôt bien. La machine Klapisch donne ainsi à voir le rêve américain, en éradiquant précautionneusement tout ce qui pourrait entacher cette jolie image d’Épinal. Sans attendre d’une comédie qu’elle critique ouvertement un système, on aurait apprécié un léger « réalisme » de la part du metteur en scène. Klapisch avait su à ses débuts restituer la réalité d’un quartier (Chacun cherche son chat) ou d’une époque (Le Péril jeune), il peine cette fois à sortir du cliché bourgeois d’une réussite éminemment matérialiste, n’oubliant pas de parsemer son métrage de thématiques sociétales pour être dans l’air du temps (la procréation pour les couples homosexuels, le mariage blanc, les familles recomposées).
Cherchant son ton tout du long (romance, comédie, satire), Casse-tête chinois touche toutefois pendant quelques minutes au cœur de ce qui aurait pu être son sujet : la parentalité. Malheureusement, le film ne fait qu’effleurer cette thématique pour mieux retomber dans ses travers jusqu’à un final à l’américaine où le héros court après sa dulcinée pour l’empêcher de monter dans un bus. Avec un début laborieux, quelques scènes amusantes (le discours de Tautou en chinois) et un happy-end mièvre, Casse-tête chinois suit finalement un programme très balisé, sans surprise ni folie.