Dans un État du Texas en pleine crise économique, Comancheria raconte la lutte à distance entre une fratrie de braqueurs de banques, prêts à tout pour sauver la propriété familiale promise à la vente, et un duo de rangers à leurs trousses.
Le film reprend à son compte les principaux codes du western. Il y a des cow-boys. La propriété familiale est un ranch. Il y a des shérifs. Les rangers ont chapeaux et étoiles dorées. Et on retrouve plusieurs scènes-phare qui ont fait la gloire du genre, que ce soient des séquences de pure action (une course-poursuite trépidante dans le désert qui s’achève par un duel dans les montagnes) ou les moments de planque qui donnent le temps aux protagonistes de tomber les masques.
Black-List
On voit bien ce qui a plu au réalisateur David Mackenzie dans ce script cherchant preneur au sein de la Black List hollywoodienne. Comme pour son film de prison Les Poings contre les murs, il peut à nouveau s’appuyer sur un genre bien défini pour développer une histoire de famille avec un arrière-plan social marqué.
Classique dans la restitution des scènes de purs dialogues, sa mise en scène devient inventive dans les séquences d’action. Soit le plan reste fixe (la bagarre dans la station-service), ce qui donne une sécheresse à la violence décrite, soit il varie les positions de caméra mais limite les axes sur une seule et unique ligne directrice (une route lors de la fusillade contre les civils armés). Lors des braquages, montée sur Steadicam, la caméra établit la disposition des lieux, montre la source de potentiels dangers, mais toujours selon un parcours déterminé, le court trajet menant de la porte d’entrée de la banque à l’emplacement des caisses à forcer.
Ce principe de mise en scène place le spectateur dans le regard des malfrats et fait ressentir leur détermination ainsi que la cohérence de leur plan. L’attention portée sur les détails, sur les gestes, permet une intéressante modulation dramatique entre les différents casses, les premiers fluides, sans accroc, puis les suivants retranscrits de manière plus heurtée, le réel résistant de plus en plus aux deux braqueurs. Le suspense va ainsi crescendo avec comme enjeu de savoir s’ils parviendront à s’en sortir sains et saufs.
Cynisme contre cynisme
D’une maîtrise certaine dans sa mise en forme, Comancheria se laisse néanmoins aller à quelques lourdeurs. La musique originale de Nick Cave et Warren Ellis est envahissante. Les plans sur les panneaux « À vendre » qui bordent les routes du Texas sont trop répétitifs. Mais ce sont les blagues racistes du ranger en chef (Jeff Bridges) envers son collègue mi-mexicain mi-indien qui provoquent la plus grande gêne. Elles disent sans doute quelque chose de cette partie des États-Unis, mais ne font que reproduire un principe de domination inique du fort sur le faible qui ne fait jamais rire.
D’ailleurs plus l’histoire avance, plus le discours du film sur cette question du rapport de forces apparaît on ne peut plus ambigu. Avec les figures de Jesse James, de Billy The Kid, les vieux westerns mettaient en scène des hors-la-loi qui volaient pour gagner leur vie, avec plus ou moins exprimé le désir d’être et de mourir libre. Il y avait une part de panache, de romantisme dans leurs exactions. Les cow-boys braqueurs de Comancheria ne sont pas du tout anti-système. Leur relégation est subie et non voulue. Ils veulent au contraire en faire partie, y trouver leur place, mais du côté des gagnants.
Déjà dans Sicario, autre script signé Taylor Sheridan, une légitimation de la vendetta posait problème, avec une mise en exergue très appuyée de la naïveté d’une agent du FBI idéaliste. Cette vision d’un darwinisme social généralisé et non contestable éclate pour le cas de Comancheria dans un duel final interminable. La confrontation se voudrait riche de sens, à la There Will Be Blood, mais l’effet tombe à plat. Il n’y a que deux cynismes qui s’affrontent, ce qui manque singulièrement de hauteur et fait terminer le film sur une étrange et nauséeuse queue de poisson.