Un inspecteur de police au passé trouble et au caractère instable (Michael Douglas) enquête sur le meurtre sanglant d’un notable de San Francisco, survenu au cours d’un jeu érotique sadomasochiste. Il tombe amoureux de la maîtresse de la victime et principale suspecte du crime, une écrivaine libertine et charismatique (Sharon Stone) qui l’entraîne dans un univers de passion anxieuse et de plaisirs incontrôlés. Derrière l’aura de scandale qui a longtemps entouré l’un des longs métrages les plus sexuellement audacieux qu’ait jamais produits Hollywood, Basic Instinct s’impose comme une brillante relecture maniériste des archétypes du film criminel, et livre une vision sombre et ambiguë des rapports entre les sexes, peu courante dans le contexte de la culture de masse auquel il participe.
Scènes d’amour / scènes de meurtre
Sommet au box-office de la carrière américaine du cinéaste Paul Verhoeven, Basic Instinct est à l’origine produit et promu comme l’un de ces nombreux thrillers érotiques luxueux qui déferlent sur les écrans à l’orée des années 1990 (Sliver de Philip Noyce, Obsession fatale de Jonathan Kaplan, Sang chaud pour meurtre de sang froid de Phil Joanou, Body d’Uli Edel, etc.). Du script à tiroirs fondé sur une psychanalyse de bazar (signé par le scénariste-star de l’époque Joe Eszterhas et payé 3 millions de dollars, un record) jusqu’à l’imagerie porno-chic véhiculant une vision à la fois glamour et panique de la sexualité, les principaux ingrédients de ce cycle de films semblent au rendez-vous. L’originalité de Basic Instinct réside justement dans le fait d’assumer pleinement cet univers normé, et d’en faire le support d’une exploration approfondie – via les conventions du genre – d’enjeux existentiels liés à l’amour et à la sexualité. Comme dans le Body Double de Brian De Palma (1984), cette opération de dépassement du matériau de départ passe essentiellement par la mise en scène, précise et virtuose, sous forte influence hitchcockienne.
Fidèle à l’adage du « maître de suspense » selon lequel il faudrait « filmer les scènes de meurtre comme des scènes d’amour, et les scènes d’amour comme des scènes de meurtre », Verhoeven organise son film autour de plusieurs scènes sexuelles – parmi les plus franches et les plus détaillées jamais tournées à Hollywood – dans lesquelles la mort est inscrite comme programme (la scène inaugurale de l’assassinat du notable) ou comme horizon (les rapports charnels entre l’enquêteur et la suspecte, structurés par un rituel sadomasochiste semblable à celui de cette première scène). Menaçant à tout moment de s’achever dans un bain de sang, ces ébats prennent les atours d’une véritable lutte, dans laquelle la méconnaissance profonde qu’il a de sa partenaire (est-elle ou non une meurtrière ?) peut avoir des conséquences dramatiques pour l’enquêteur. Mais c’est bien là, justement, la source du plaisir de ce personnage, et la dimension adulte et subversive du discours sexuel de Basic Instinct.
Non que l’alliance de l’érotisme et de la mort soit chose entièrement nouvelle, mais il est peu courant que le plaisir voyeuriste auquel un film « du samedi soir » convie ses spectateurs soit accompagné d’une tension narrative aussi explicite. La mise en scène y participe en convoquant par un système d’échos formels (positions et mouvements des corps, découpage, musique) les souvenirs de la scène du meurtre qui ouvrait le film, et en jouant sur l’ambiguïté entre les gestes de l’amour et ceux du combat. Aussi les séquences sexuelles de Basic Instinct ne constituent-elles pas un simple ornement sulfureux d’une intrigue qui prendrait sa source et sa dynamique ailleurs, mais sont au contraire le cœur vibrant d’un drame qui troque le suspense d’action du film criminel classique pour le suspense affectif d’une romance s’apparentant à un véritable rapport de force.
« Love Hurts ! »
Le film de Verhoeven peut être ainsi décrit comme une forme ultra-sexuée de mélodrame insérée à l’intérieur d’une trame policière classique ; un mélodrame dans lequel l’enjeu moral ou existentiel serait transformé en enjeu de vie ou de mort. L’interprétation symbolique de cette donnée narrative débouche sur une vision particulièrement intense de la passion et de ses excès. Comme le suggère le titre d’un des romans écrits par le personnage de l’écrivaine, « Love Hurts » ; la somatisation potentielle qui résulterait de l’étreinte amoureuse est alors à considérer comme la projection d’un état psychique et affectif, celui de l’amant qui « perd » au jeu de la relation.
C’est peu dire que le rapport entre l’inspecteur Nick Curran et l’écrivaine Catherine Tramell est déséquilibré au profit de cette dernière, qui domine son amant sur tous les plans, en termes de position sociale (elle est riche et sophistiquée, il est pauvre et fruste), d’expérience sexuelle (ce qu’il appelle « la baise du siècle » est requalifié par elle comme un « début encourageant »), et surtout en termes de maîtrise des affects : tandis qu’il est gouverné par des pulsions auxquelles il semble prêt à tout sacrifier, elle, de son côté, porte à leurs étreintes un intérêt avant tout intellectuel (il est un sujet d’étude pour son prochain roman), et navigue à volonté entre une froideur d’acier et l’affichage circonstancié de certaines émotions humaines fondamentales. À tel point que Basic Instinct peut se lire comme un film sur la dégradation volontaire d’un homme qui ne cesse, tout au long du film, d’être manipulé, subjugué, voire humilié par une femme qui, sur le plan amoureux et sexuel, évolue dans des sphères inaccessibles pour lui.
Dominé chromatiquement par une lumière bleutée crépusculaire vectrice de rêverie et de mélancolie, porté par d’amples mouvements de Steadycam qui soulignent la circulation des regards et des affects, Basic Instinct se déroule ainsi, dans une atmosphère aqueuse et oppressante, comme un récit de passion incontrôlée dont la mélancolie morbide est encore accentuée par la convocation récurrente du souvenir de Vertigo.
Vertigo comme film-matrice
Les motifs de comparaison avec le film d’Hitchcock (1957) ne manquent pas. Comme le personnage de Scottie interprété par James Stewart, le Nick Curran campé par Michael Douglas est un personnage d’enquêteur fragile et influençable, miné par une faiblesse ontologique (le vertige pour Scottie, la toxicomanie pour Curran), ruminant un passé professionnel coupable (ayant conduit à la mort du policier au début de Vertigo, à celle de deux touristes pour le héros de Basic Instinct), accompagné par une bande-musique omniprésente branchée sur son sismographe émotionnel (très belle composition « hermannienne » de Jerry Goldsmith pour Basic Instinct), et, bien sûr, mystifié par une femme qu’il prend en filature et dont il tombe amoureux jusqu’à la dépression. La démarche citationnelle ira même jusqu’à la reprise de l’image iconique du baiser entre les deux héros avec la vague « émotive » se fracassant sur le rivage en arrière-plan.
Scottie et Nick Curran ont également le point commun d’être deux « flics de San Francisco » (l’acteur Michael Douglas fut d’ailleurs révélé par une série télévisée qui portait ce titre), et les deux films de confier à la topographie et à l’atmosphère de cette ville un rôle esthétique de première importance dans leurs compositions respectives. On retrouve dans Basic Instinct le San Francisco « ville verticale », maillage serré de rues étroites et d’immeubles, que Murray Pomerance décrivait dans son analyse de Vertigo. La ville s’y révèle étouffante, aménageant visuellement de nombreux sur-cadrages ou motifs d’enfermement tout au long de l’itinéraire de Curran, ainsi que de multiples jeux de lumière tremblants – résultat de l’influence du climat maritime de la région – qui reflètent son instabilité affective et l’impression que ce personnage navigue, littéralement, en eaux troubles.
Un « mélodrame au masculin » ?
Ce parcours existentiel risqué, Curran l’effectue dans la désapprobation générale de son entourage intime et professionnel – sa passion pour Catherine l’amenant à un certain isolement moral et philosophique. Le sujet principal du film est bien le drame psycho-sexuel de ce personnage, centre de tous les raccords-regards signifiants : comme Vertigo, Basic Instinct est un film monté comme un gigantesque effet Koulechov. Quant au « voir » et au « savoir » de Curran sur l’action, ils délimitent aussi ceux des spectateurs – à l’exception de la fameuse coda qui clôt le film, où ces derniers reçoivent une information décisive que le héros ne possède pas. À l’inverse, l’accès à la subjectivité du personnage de Catherine Tramell n’est jamais ménagé par la mise en scène, elle demeure un objet des regards et des pensées que le film exprime.
La vulnérabilité et l’obsession autodestructrice de son héros tracent un parallèle entre Basic Instinct et le Film noir de l’époque classique, celui des décennies 1940 – 1950, souvent décrit comme un « mélodrame au masculin », porteur d’anxiétés diverses sur le statut vacillant des critères de la virilité hiératique. La filiation avec cette tradition cinématographique passe également par d’autres éléments, depuis le caractère oppressant et déterministe du paysage urbain jusqu’à la citation scénographique de la fameuse séquence de rencontre d’Assurance sur la mort (1944) de Billy Wilder (au début du film lorsque Roxy, l’amante de Catherine, toise les policiers depuis le haut de l’escalier). Mais si Basic Instinct évoque avec autant d’insistance le Film noir, cela est surtout dû, bien sûr, à la reprise marquante du motif de la Femme fatale.
Une « Femme fatale » superlative
De la Femme fatale, cette figure à la fois indépendante, conquérante et dangereuse, dont l’émancipation et l’affirmation conduisent au crime et au chaos, la Catherine Trammell de Basic Instinct, interprétée par Sharon Stone, semble à première vue une version superlative : blonde, sexuellement entreprenante, insensible, intime avec le crime, etc. Elle est à la fois subversive (à l’époque du film) par sa bisexualité revendiquée, dominante par l’ascendant qu’elle prend systématiquement sur les hommes, « inhumaine » par la maîtrise totale de ses émotions et de ses réactions physiologiques (comme le montre une séquence où elle déjoue avec succès l’épreuve du détecteur de mensonge), et diabolique par les machinations complexes qu’elle met en place et par le pouvoir d’omniscience dont elle semble gratifiée. Soumise à cette dynamique excessive de représentation, Catherine Tramell finit en fait par dépasser son statut de Femme fatale, pour ressembler à une véritable déesse païenne, créature ésotérique et invincible que le film associe dans de nombreux plans à la puissance des éléments naturels : l’océan, le feu, le vent, ou encore le soleil qui, lors d’une très belle scène dans la voiture de police, vient composer un halo autour de son visage à l’instant précis où elle apprend à ses interlocuteurs que le roman qu’elle écrit s’achève par la mort du personnage du policier (ce que l’on a évidemment tendance à interpréter, à cet instant, comme une prophétie narrative). Si l’association entre la féminité et la nature n’a rien d’inédit, l’intérêt du film de Verhoeven est bien ce point de saturation auquel il conduit l’archétype de la Femme fatale, jusqu’à en faire un personnage quasi-mythologique – ce que la postérité du film a d’ailleurs prolongé, Catherine Tramell étant devenu une figure iconique de la culture populaire (et même un des rares personnages de fiction à avoir aujourd’hui droit à… une fiche Wikipédia).
Dans le contexte du début des années 1990, où l’on manquait singulièrement à Hollywood de représentations positives de la diversité des êtres et des désirs, on peut comprendre les critiques en misogynie ou en biphobie qui se sont abattues, avant même le tournage du film, sur le script d’Eszterhas : pour une fois qu’une femme dominante et bisexuelle était l’héroïne d’un film, il fallait qu’elle soit, sinon une criminelle patentée (le scénario laisse planer l’ambiguïté sur ce point), du moins étroitement associée à l’univers du crime ; il en va d’ailleurs de même pour les trois autres personnages secondaires féminins (l’amante Roxy, la psychiatre Elizabeth Garner et la matricide Hazel Dobkins) dans un film qui constitue la féminité comme une sorte de royaume sulfureux et mystérieux, dont les hommes sont soit exclus, soit victimes.
Mais la mise en scène de Verhoeven porte au fond l’enjeu à un autre niveau : Catherine n’apparaît pas comme un personnage renvoyant possiblement à une réalité de chair et de sang dans le corps social, mais comme un archétype, désigné comme tel par le film, incarnation consciente et problématisée de l’image universelle de la « femme fascinante et menaçante » que l’on retrouve dans un grand nombre de cultures pour servir de catalyseur à l’anxiété masculine. Pour peu que l’on fasse bien la différence entre la catharsis fictionnelle et la réalité, et que notre système moral nous autorise une identification positive à un personnage qui n’est pas une « gentille », on peut même arguer que la Catherine Trammell de Basic Instinct, portée par la composition d’une Sharon Stone que ce rôle propulsera au statut de star, constitue l’une des « super-héroïnes » les plus puissantes et charismatiques qu’ait jamais produites le cinéma états-unien. C’est en cela que Basic Instinct se révèle un objet de choix pour les études féministes qui dépassent l’étape du rapport moralisateur et littéral à la narration (lorsqu’il s’agit simplement de vérifier la conformité d’un scénario à des critères de « bonne représentation ») et qui prennent en compte l’ensemble de la matière expressive du film achevé comme site d’expression consciente des contradictions du champ culturel et du corps social de son temps.
Infléchissement de la virilité traditionnelle
Le film se prête d’autant mieux à cette lecture contrastée qu’il ne compense jamais l’éclat sombre et quasi-surnaturel de son héroïne (et de ses acolytes féminines) par une présentation de personnages masculins dignes, héroïques ou rationnels. Au contraire, Basic Instinct constitue un véritable traité en acte sur la faiblesse, l’incompétence et la veulerie masculine. Cela s’observe dans l’alternance du jeu d’acteur de Michael Douglas : il rappelle certains de ses rôles de mâles triomphants des années 1980 lors des bravades égotistes qu’il déploie avec ses collègues policiers, ou lorsqu’il impose brutalement un rapport sexuel à son ex-maîtresse Elizabeth (incarnée par Jeanne Tripplehorn), mais arbore ensuite une mine de petit garçon colérique et désemparé face aux mystères et vexations auxquelles le soumet une femme, Catherine, qu’il traque comme un petit chien et qu’il se retrouve plusieurs fois à épier piteusement. On peut également mentionner le lien établi entre le machisme grivois du personnage de Gus (George Dzundza), le coéquipier de Nick, et la misère sexuelle qui accable ce « cow-boy » de country bar ; ou encore la façon méthodique dont le film s’emploie tout du long, à rebours de la tradition du film policier, à pulvériser l’assurance et la suffisance de ses personnages secondaires d’enquêteurs, censées être les incarnations de l’Autorité et de la Loi. Il faut enfin noter l’insistance avec laquelle le film présente le « partage du regard » (homme-sujet et femme-objet), non comme un moyen ingénu de contrôle et de domination patriarcale par le biais de la contemplation érotique, mais bien comme un vecteur d’avilissement et d’infantilisation pour ceux-là même qui sont les porteurs fictionnels de ce « plaisir visuel ».
Nulle séquence n’illustre mieux l’ambiguïté de Basic Instinct sur le statut du corps féminin comme spectacle, ni la frontalité de la « guerre des sexes » dont le film constitue le terrain, que la scène culte de l’interrogatoire de Catherine Tramell au commissariat. L’enjeu est précisément la circulation du regard et la recomposition du rapport de force qui en découle, et la mise en scène déploie pour en rendre compte un impressionnant attirail de procédés formels, avec force travellings, zooms et recadrages signifiants. Trônant comme une reine dans un éclatant habit clair (rappelant une tenue fameuse de Kim Novak dans Vertigo), en hauteur sur une estrade débouchant sur un stand de tir (étonnante scénographie qui la place en tant que « cible » autant qu’en situation « théâtrale » de représentation), la suspecte se différencie nettement de la demi-douzaine d’enquêteurs présents, hommes grisâtres engoncés derrière leurs bureaux et leurs dossiers, petite communauté de « spectateurs » balayée par des travellings latéraux entrecoupés de gros plans individuels soulignant des réactions de fascination et d’intimidation, tandis que les trajets de leurs regards sont pris en charge par des travellings avant qui s’achèvent systématiquement par un recadrage en contre-plongée sur Catherine. Cette dernière, par son mépris des règles imposées (elle fume ostensiblement malgré l’interdiction), et par son aisance sur des questions sexuelles qui mettent les policiers mal à l’aise, réduit à néant leur domination institutionnelle et renverse l’échange à son avantage, au point de finir, elle qui était venue là pour être interrogée, par poser elle-même les questions.
Ces questions, elle les adresse notamment à Curran, qu’elle destine alors à devenir son amant, et qu’elle s’emploie d’abord à rabaisser publiquement, tout en l’isolant déjà de ses collègues par ses interpellations personnalisées. Et lorsqu’elle décroise les jambes, révélant aux policiers sa nudité sous sa robe, c’est comme si l’apparition furtive de son sexe traçait une ligne de démarcation dans l’espace fictionnel, une ligne passant entre Curran et ses collègues, qui n’occuperont plus jamais ensemble le même plan après cet événement, les reaction shots sur le groupe de policiers étant désormais dédoublés en deux contrechamps autonomes. En somme, tout se passe comme si la mise en scène, loin de canaliser ou de « geler » la « menace » féminine portée par le personnage de Catherine, s’employait au contraire à la désigner et à l’amplifier. Le « male gaze » dans Basic Instinct n’est plus le symptôme réflexe d’un inconscient patriarcal, il devient le sujet profond du film (comme ce pouvait être le cas dans Vertigo en son temps selon Laura Mulvey elle-même). Il s’agit donc d’un film précieux pour penser un certain moment de l’histoire du cinéma hollywoodien et de la société nord-américaine, à laquelle Paul Verhoeven, cinéaste venu d’Europe, tend ici, « de l’intérieur », un reflet particulièrement acerbe, en jouant à fond la carte de l’ambiguïté sur le sens à donner à la représentation, sans jamais délivrer de posture morale clefs en main (il le fera de façon encore plus poussée dans ses longs métrages suivants, Showgirls et Starship Troopers, qui seront en cela la source d’encore bien d’autres malentendus critiques).
Il y a loin, évidemment, que ce jeu avec l’archétype culturel de la Femme fatale ou que cette problématisation construite par la mise en scène autour du partage du regard, fassent de Basic Instinct un film féministe – à moins peut-être de s’accorder à un certain post-féminisme très en vogue à l’époque de sa réalisation, qui conduirait à une lecture compréhensive du cynisme d’executive woman de Catherine Tramell et de sa propension à reconvertir en armes la charge érotique à laquelle la société réduit le corps des femmes. Mais cela n’empêche pas de remarquer la critique subversive que le film porte en creux lorsqu’il suggère, à tort ou à raison, qu’en l’état actuel des rapports de genre, la condition pour inverser à son avantage le rapport de domination comme le fait Catherine serait une réunion d’attributs (physiques, matériels, intellectuels) proprement surnaturelle, et donc inaccessible à un être réel de chair et de sang. On note enfin que le film ne tempère jamais vraiment les attaques radicales que le personnage de Catherine Tramell adresse contre le système du couple hétérosexuel traditionnel et l’idéal de la vie de famille rangée. Au contraire, loin du happy end hollywoodien qui, si souvent, « punit » ou fait rentrer dans le rang les personnages marginaux et indépendants, Basic Instinct se clôt par une surprenante irrésolution, qui semble délivrer un message implacable : sous tous les lits que partagent deux personnes se trouve un pic à glace, car symboliquement, il y a toujours à la fin quelqu’un qui meurt.