Clark Gregg commence fort pour son premier long métrage. Après David Fincher pour Fight Club, lui aussi décide de s’attaquer à un roman de Chuck Palahniuk, intitulé Choke. Sam Rockwell, bien connu pour son rôle de psychopathe dans La Ligne verte interprète encore une fois un drôle de personnage, un déglingué, mythomane, accroc aux thérapies de groupes, une sorte de Casanova, accompagné d’un roi de la masturbation, son meilleur ami Denny. Tout deux partent à la recherche du véritable amour allant jusqu’à demander à Dieu. Enfin, presque.
Adapter un roman de Chuck Palahniuk, c’est se confronter à une réalité pleine de démesure, c’est oser l’impensable, l’absurde, l’horreur. Son univers donne la nausée. Ses personnages, des schizophrènes, suicidaires, marginaux, s’enivrent pour se détruire et errent dans des milieux infâmes, à limite de l’abject. Difficile donc de continuer à sourire, et même à vivre, dans une société déshumanisée, lunaire, qui a perdu le goût de tout, sauf du Mal en attendant la mort. Le problème est là. L’antinomie entre le film et le livre. Dans Choke, l’incertitude de l’existence passe pour un décalage grotesque, l’assouvissement sexuel devient grossier, cette soi-disant dénonciation du consumérisme sexuel prête à sourire, adieu donc à la satire, bienvenue dans une comédie romantique, avec un peu plus de sexe que de coutume.
Du sexe donc, il y en a. Victor Mancini (Sam Rockwell) voit des femmes nues partout, sans distinction d’âges, et sa seule idée, c’est de les posséder. Ses obsessions se retrouvent en confidences par l’intermédiaire de sa voix-off, symbole de sa conscience où le spectateur devient complice. Pour se libérer de sa dépendance, du moins pour essayer, il se rend dans des thérapies de groupes (un lieu cher à l’écrivain, aussi présent dans Fight Club). Pas de chance, ou volonté de s’auto-détruire, il y rencontre une autre perverse, avec qui les séances d’abstinences deviennent de véritables lieu de fantasmes, assouvis dans les toilettes.
Menteur et aussi bon comédien, Victor simule l’étouffement dans des restaurants pour que de bons samaritains lui viennent en aide et l’affectionnent assez pour l’entretenir. Pourquoi vouloir autant d’argent ? Comme tout Casanova qui se respecte, le héros a des problèmes avec sa mère malade, victime d’Alzheimer et d’autres maux obscures. Et là commencent les tristes souvenirs d’un enfant mal aimé, expliqués dans des retours en arrière progressifs. D’ailleurs, cette relation ombilicale reste un puzzle à peine achevé lorsque le film se termine.
Névrosée, possessive, égoïste, sa mère (l’actrice Anjelica Huston, terrifiante marâtre) perd la mémoire, confond son fils avec son avocat et dans sa folie, annonce l’incroyable : Victor Mancini serait un nouveau Messie. Paige (Kelly Macdonald), séduisante infirmière, se charge de l’enquête d’une manière peu orthodoxe. Passons les nombreux rebondissements, les incohérences, attachons-nous au reste. Mais que reste-t-il ? L’histoire d’un homme amoureux, enfermé dans un complexe d’Œdipe, incapable d’aimer et surtout, increvable galopin. La relation traumatique mère-enfant, expliquée par bribes, perd de son poids face aux blagues graveleuses qui feront rire malgré tout, les meilleurs d’entre nous. Reste, pour finir, la belle voix mélancolique de Thom Yorke venue donner le mot de la fin, en toute modestie.