Dans Scared, une émission MTV, chaque personnage lançait le récit en vidéo d’une chute violente par un « This is my scared story », avant que ne se brisent les tibias contre un guidon de vélo, ne se déboîtent les coudes à la réception d’un saut périlleux, ne se rompent les chevilles contre un skate emballé. Ici, Philippe Petit, aperçu comme acteur dans Non Film de Quentin Dupieux en 2001, suit la fin de carrière de son ami skateur David Martelleur, « Danger Dave » pour les connaisseurs.
The Dude
Étonnant et attirant d’être ainsi plongé dans un milieu professionnel à forte imagerie. Et l’homme y est conforme : gueule destroy, déconne, bougonne, grimace, comme si être pro, c’était être à l’arrache à heures fixes. Première scène, petit matin sur le parking d’un hôtel sans âme de bord d’autoroute, brouille entre le réalisateur et le skateur, caché sous de longs cheveux, une casquette, lunettes noires et barbe ZZ Top. Le réalisateur pose sa caméra et entre dans le champ avec l’acteur pour formuler ce que selon lui son compagnon refuse de dire : c’est la fin. « C’est le dernier plan qu’on fait […], j’ai pris ma décision David, je veux pas avoir un mec qui traîne les pieds. » On comprendra plus tard que la difficulté entre les deux hommes forge une bonne part du film : pas facile de se dire que son ami vient filmer sa mort, pour ainsi dire, quand bien même elle ne serait que professionnelle. Mais dans le même temps, après un tournage qui dure depuis cinq ans et semble stagner, le skateur est-il vraiment le seul en perte de vitesse ? Le cinéma, on le sait, est aussi un sport sans pitié. Sur ce parking, l’engueulade est une belle et idéale annonce du parcours à venir, pareil à ces scènes post-apocalyptiques ou de lendemains de fête, bribes d’un futur prometteur, qui ouvrent nombre de films et de séries commerciales.
Mais que sera exactement Danger Dave ? Le portrait d’un vrai sportif sur le déclin ? Celui d’un homme qui a toujours été borderline mais réussi par miracle à construire un monde professionnel autour d’une longue errance et d’une série de beuveries ? L’affrontement entre deux amis d’enfance pour savoir ce qu’est réussir ses rêves ? Un documentaire sur le monde du sport professionnel ?
Hyperbowl
Un peu tout un peu rien, c’est le gros défaut du film, particulièrement à fuir le parallèle entre réussite professionnelle sportive et cinématographique. S’il se regarde avec le même plaisir que les clips de skate, d’un bowl à un escalier, d’une chute à un concert de metal, d’une murge aux grimaces des sportifs so coool, il lasse autant qu’eux. On n’apprendra pas grand-chose, ni du milieu sinon sa dureté avec les jeunes vieillissants et leurs corps maltraités, ni des deux hommes qui s’aiment et se combattent vaguement sans que l’on puisse appréhender évolution ou issue. Pour le reste, de belles scènes de skate, d’errances nappées de musiques mélancoliques et dépressives, de fêtes désespérées et de matins brumeux. Un peu trop cool.