Bienvenue dans Dante 01, prison spatiale en forme de croix (ha ha), « dérive dans l’atmosphère suffocante de Dante » (dixit le dossier de presse). Votre mission : prier car l’Apocalypse est imminente. À l’intérieur de cette prison tendance Fortress, six des plus dangereux criminels des mondes environnants servent de cobayes à d’obscures expériences. Une résistance s’organise autour d’un psychopathe manipulateur. Mais son autorité se voit remise en cause par l’arrivée d’un « mystérieux » détenu, possédé par une force secrète. Son doux prénom ? St Georges. Moche du seigneur. Et si Marc Caro avait trop longtemps fait bouillonner son projet interminable ? Et s’il proposait une leçon de catéchèse sous amphètes ? Et si on enlevait le budget ? Et si on ne faisait pas un film ? Et si on rendait hommage à la tecktonik ? Horreur, malheur…
Aïe, aïe, aïe. Ouille ouille ouille. Bip bip bip. Le cinéma de genre français serait-il définitivement maudit? C’est la question que l’on se pose en sortant de Dante 01, projet babylonien que Marc Caro a peaufiné tout seul dans son coin pendant près de dix ans, en donnant – histoire de conserver le maximum de mystère – le moins d’informations pour susciter des attentes monstrueuses. Bien. Bien mais taratata: le résultat à l’écran, proche du Sunshine du pauvre, pousse le spectateur à se demander s’il n’y a pas eu un sabordage dans l’équipage. Comme dans un épisode de Tintin tendance cucu-béni. Que leur est-il arrivé à tous pour donner naissance à un film aussi navrant ? Commençons par les choses « drôles » : la note d’intention disponible dans le dossier de presse (collector) qui nous avertit en caractère gras, s’il vous plaît, de ce qu’il est important de regarder, d’entendre et de comprendre lors de la découverte de Dante 01 pour que l’on saisisse tout et que l’on ne fasse pas de contresens débiles dignes des critiques parisianistes égocentriques que nous sommes. Comprendre : faire attention à l’attention portée au décor, au travail sur le son et surtout à la volonté jamais vue de donner à TOUS les personnages (le « TOUS » étant en lettres d’imprimerie) une vraie épaisseur psychologique. Pourquoi pas. On regarde l’objet d’un œil bienveillant entre ennui de fonte et étonnement kitsch ; on ne comprend pas.
Premier point noir – et c’est le gros problème de tous les formalistes genre Christophe Gans et consorts plus préoccupés par la forme que par le fond : les interprètes, melting-pot des dites « valeurs montantes » de la grande famille du cinéma français, semblent incapables de prononcer une phrase en ayant l’air crédible. Preuve de l’absence de direction des acteurs. Ensuite, l’esthétique vieillotte et paradoxale – Marc Caro s’étant toujours targué d’un cinéma visionnaire – qui nous ramène aux pires dérives de la science-fiction française des années 90. À côté, un objet inabouti comme le peu glorieux Bunker Palace Hotel, d’Enki Bilal, ressemble à une réussite exemplaire. Enfin, le scénario, lesté de dialogues douloureux et de situations douteuses. Bref, d’un bout à l’autre, c’est du foutage de gueule intégral. Et ce ne sont pas les dix dernières minutes où Lambert Wilson – qui ne prononce quasiment pas un mot pendant tout le métrage et exécute juste deux trois froncements de sourcils pour donner l’illusion qu’il se passe quelque chose d’intense – apprend la tecktonik avec les Daft Punk qui sauvent l’honneur.
Plus sérieusement, on ne comprend pas. Pourquoi Caro, chantre de la singularité pourvu d’une sensibilité artistique indiscutable, nous a-t-il fait cette mauvaise blague ? Lui qui naguère avait réjoui mirettes et intellect avec son collègue Jeunet (Delicatessen et La Cité des enfants perdus) ? C’est d’autant plus désagréable qu’il essaye de nous asséner la chute en une heure trente alors que l’on a tout compris dès la première minute. La faute à une voix-off paraphrasante – une maladresse de débutant autodidacte. Aujourd’hui, ça ressemble à un long sketch pas drôle et manichéen (bonjour la caractérisation des personnages!) aux relents christiques (re-bonjour le plan final au pessimisme digne du collégien rebelle qui écoute Slipknot !) qui n’en finit plus de se prendre au sérieux. Dans dix ans, sans doute, on pourra le revoir comme un réjouissant navet avec T’aime, de Patrick Sébastien (ajoutez aussi si vous êtes en forme Vidocq, de Pitof) pour une soirée entre amis. Certes, on sent déjà germer le procès d’intention – le même que Jean-Jacques Annaud a essayé d’intenter à la vile critique – reprochant ainsi de ne pas soutenir le cinéma de genre made in France. Oui, mais « soutenir des intentions » ne doit pas rimer avec se fader un nanar mortifiant et inconscient de sa bêtise monumentale. Colère ? Colère.