Éléonore Faucher, réalisatrice de Brodeuses en 2004, a lu et aimé le roman de Sylvie Testud. Voici donc l’ouvrage adapté au cinéma par la première, avec la présence de la seconde à l’écran. Une comédie dramatique gentillette, non sans faiblesses mais estimable.
Dès l’ouverture, c’est la voix-off de Sybille adulte (Sylvie Testud) qui prend en charge le récit, le sien puisque que l’actrice a signé le livre dont est tiré le film. Gamines se déploie de manière enchâssée, avec un système d’aller-retour entre des voix-in et off, passé et présent, intériorité et extériorité du personnage principal. Il advient que ça fonctionne plutôt en matière de récit, mais ces passages ressemblent beaucoup à un procédé quelque peu systématique, pas toujours très heureux au niveau visuel, et assez redondant en terme de narration. D’autant que l’on comprend que ceci n’est pas fait pour nous perdre, mais pour nous mener quelque part, à un point bien précis.
Ce quelque part est une quête familiale en compagnie de quatre personnages de sexe féminin, une mère et trois filles d’environ six à treize ans. Et un absent, sorte d’ombre portée : un père que l’on désigne par « il » ou encore « lui ». Parmi les progénitures au sein de cette famille affichant une italianité très prononcée, il y a donc Sybille, environ dix ans, garçon manqué efflanqué et dégingandé affichant un visage constellé de tâches de rousseur et un blond certes vénitien mais pas très italien. Elle porte en quelque sorte les stigmates de cette figure paternelle fugitive. C’est son père tout craché ; pour preuve : il est peintre, elle dessine, et son charismatique parrain aux gros bras (Jean-Pierre Martins) la surnomme « l’artiste ».
Gamines suscite plus d’intérêt lorsqu’il semble chercher sa voie. Une fois que l’on est sur les rails, on devient moins curieux et plus indifférent quant à son déroulé. On est en fait face à un métrage plutôt franc du collier, mais qui connait quelques baisses de régime. Malgré cela, on est tout de même séduit par cette figure solitaire de la mère (Amira Casar), que ses filles font danser lors des soirées. La douleur des différents choix transgressifs qui furent les siens finit par former un beau portrait au féminin. Aussi, il se dégage un certain charme des tonalités de la photographie, des décors et du jeu sur les couleurs qui ne sont pas sans emprunter au visuel publicitaire des années 1950 et 1960. On se situe plus près des choix picturaux d’Elia Suleiman dans Le Temps qu’il reste, le génie du cadre et des durées en moins, que du chromo passéiste de certains. Une belle émotion pointe parfois dans l’image, notamment lors de ce travelling arrière suivant Sybille et son parrain sur un Vespa sur une petite route perdue d’Italie. Un joli moment, d’une indéniable efficacité cinématographique, dans lequel beaucoup est dit sur l’absence d’un père et d’une présence masculine. Ajoutons aussi à cette même case crédit l’irréprochable casting, les gamines sont impeccables et ne jouent pas à jouer les actrices. Grâce à cela, on évite complètement l’effroyable péché mignon du film avec enfants, qui donne souvent envie de décocher des baffes (ceci un aveu peu glorieux) aux têtes blondes.
Bref, quand on voit c’qu’on voit ma bonne dame dans la comédie (dramatique ou non) française, et puisque la critique doit bien tenir compte d’un état de la production, Gamines se trouve indirectement rehaussé. On sent qu’Éléonore Faucher a envie de raconter cette histoire sans que le spectateur n’ait qu’à poser son derrière sur le fauteuil (et son cerveau à côté), de la filmer en se posant quelques questions de mise en scène et en image. Sans atteindre tout à fait la justesse et la force de Stella (Sophie Verheyde, 2008), Gamines est un film honorable et estimable, bien loin des nombreux infâmes brouets qui peuplent nos chers grands écrans.