De l’horreur oppressante du premier opus, Dave Meyers n’a retenu qu’une forme simpliste de course poursuite sanglante, dépouillée de ce qui faisait la force de son modèle : la noirceur. Il parvient néanmoins à recréer un personnage fort, celui du « Hitcher ».
Le désir des producteurs était de revisiter un film qui a marqué les cinéphiles, ce qui est bien le cas de Hitcher, et de donner sa chance à un jeune talent de s’exprimer. Le postulat de départ du premier Hitcher, frissonnante et merveilleuse idée que celle de l’autostoppeur, avait en effet fasciné à l’époque de sa sortie en 1987. Le potentiel angoissant d’une route déserte et d’un homme pourchassé par un psychopathe, surgi de nulle part et présent partout, était immense. La version 2007 ne s’écarte pas de cette idée originale mais ne va pas au bout de ses ambitions…
Jim, la vingtaine, vient chercher Grace, sa petite amie, au volant d’une magnifique voiture tout droit sortie des années 1970. Il fait beau, le morceau de rock est grisant, l’excitation d’avant départ est intense. Tellement intense que Grace a envie d’aller aux toilettes aussitôt après le départ. Comme si tout ne pouvait être parfait… On sera d’ailleurs bien loin des vacances rêvées car le jeune couple va croiser la route d’un autostoppeur : « the Hitcher » (contraction de « Hitch-hiker », auto-stoppeur). Les futures victimes vont découvrir John Ryder sur une route en pleine nuit, manquant de l’écraser. Sans même le percevoir réellement, le Hitcher est déjà effrayant. La pluie torrentielle semble ne pas le déranger, tout comme le fait de se faire renverser (jouer avec la mort ?…). Il semble presque être apparu en même temps que la pluie déchaînée, imprévisible, tout comme celui qu’elle aurait pu engendrer. Il s’agit là d’un des moments les plus réussis du film. Le temps se dilate, The Hitcher s’approche d’une démarche excessivement lente et robotisée. La tension est à son comble lorsque la forme – puisque pour l’instant John « Hitcher » Ryder n’est qu’une forme dessinée par la pluie – est presque à hauteur de la voiture. Mais enfin le véhicule redémarre. Le soulagement n’est que provisoire puisque nos deux héros vont retrouver leur « victime » à la station service et Jim se sent obligé de prendre en stop celui qu’ils ont fui peu avant. Tout se met progressivement en place.
Le récit bascule lorsque John Ryder dévoile sa véritable « personnalité », si toutefois il a une âme, dans la voiture. Une réplique (grossière), un geste (de destruction), le cauchemar débute. On redécouvre alors la voiture comme un espace incroyablement inquiétant, à la fois petit, clos et aux allures de cercueil sur roues. Une fois les trois protagonistes réunis dans ce même lieu, la tension ne peut qu’engendrer l’éclatement de l’espace. La porte s’ouvre pour laisser s’échapper le cancer qu’elle avait laissé entrer. À partir de cette véritable implosion du cadre, le jeu du chat et de la souris commence réellement dans le gigantisme du désert du Nouveau-Mexique. Mais cette démesure tourne à l’avantage du Hitcher qui possède tout, qui est partout, qui est finalement toutes choses. L’ombre, la pluie, le vent, tout le conduit vers ses desseins morbides. Il est la Mort forcément, il la respecte, il la chérit. Mais le fantôme possède étrangement un corps qui l’ancre dans une réalité qui, parfois, entrave ses gestes. Peut être est-ce là une des faiblesses du film, ne pas avoir joué véritablement sur l’omniprésence et l’immatérialité fantomatique du tueur…
Le personnage du Hitcher est pourtant la plus grande réussite du film. Sean Bean (Boromir du Seigneur des anneaux, Flight Plan…) ne cherche pas à reproduire le charisme fascinant de Rutger Hauer, le tueur de 1987 – à ce jeu-là, il aurait perdu. Il parvient toutefois à créer un autre personnage tout aussi effrayant car totalement fou. Il agit sans raison apparente, ou pour toutes ces raisons justement. Violer Grace, tuer Jim ou un autre, se faire tuer… La folie pure le pousse à agir, son adoration de la mort autant que sa volonté d’entendre « je veux mourir » sont un de ses moteurs. Le visage et surtout le regard de Sean Bean sont toujours générateurs de malaise, même lorsque sa folie n’est pas encore « déclarée ».
Malgré toutes ses incontestables qualités, le film de Dave Meyers perd vraiment de son pouvoir envoûtant lorsque nos deux héros fuient devant la police. C’était déjà le cas dans le premier opus mais ici le scénario semble encore plus « passer en force ». Comment deux jeunes étudiants d’une vingtaine d’années préfèrent braquer des policiers plutôt que de se rendre alors qu’ils sont totalement innocents ? La transition est trop superficielle pour être crédible et l’on peine à retrouver l’empathie prenante de la première partie du film… S’ensuivent des scènes d’action honnêtes, mais plutôt banales et Jim et Grace ne sont pas assez charismatiques pour emporter l’adhésion.
On sursaute, on s’agace et surtout, en revoyant le premier Hitcher, on peut se demander l’intérêt de cette nouvelle version. Au film d’horreur mélancolique et givré succède un véritable film d’action, car la frilosité de la société de production Platinum Dunes est de ne pas tendre pleinement vers le statut de film d’épouvante, qui n’aurait peut-être pas été assez vendeur. Nous ne sommes pas devant un remake (« re-fonte ») mais devant un tout autre film qui a perdu le charme noir du film de Harmon, mais en a gardé l’idée matrice toujours aussi puissante. L’hybridation des genres peut être parfois la source d’une créativité renouvelée, elle peut également être une sorte d’amalgame confus qui se cherche. C’est hélas dans cette hésitation que la nouvelle mouture de Hitcher perd son bien-fondé. Si la trame est grossièrement la même que celle de son modèle, les deux films prennent des directions très différentes. L’honnêteté de Dave Meyers, réalisateur spécialisé dans le clip, est néanmoins d’assumer pleinement cet exercice de « non-remake » en signant un honnête thriller d’action.