Critique : Réincarnation, de Takashi Shimizu

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5 septembre 2007

Réincarnation (Rinne)

La vie est un film

Contrairement à son collègue Hideo Nakata qui est retourné en terre sainte après l’expérience hollywoodienne de The Ring 2, Takashi Shimizu continue ironiquement d’entretenir l’illusion aux États-Unis en répétant le même schéma horrifique de film en film (voir le phénomène Ju On / The Grudge). Ça exaspère ou ça fascine. On appartient à la seconde catégorie, à ceux qui en réclament toujours plus dans l’audace et l’écœurement. Réincarnation fait partie du collectif « Jap’Horror, trois histoires de fantômes japonais » et permet de révéler la nouvelle facette d’un cinéaste roublard et insaisissable. Un petit Lynch en quête de nouvelles formes pour filmer l’indicible peur.

Takashi Shimizu est un cinéaste attachant. Attachant car malin. Non content d’avoir berné tout le monde en refaisant le même film aux États-Unis sans que personne ne s’en rende compte, la tête brûlée japonaise profite de ses périodes creuses pour expérimenter comme un fou furieux dans le sillage du très malsain Marebito, relecture de L’Enfant sauvage avec Tsukamoto dans le rôle principal d’un vidéaste halluciné. Sauf que Réincarnation est à mi-chemin entre le pastiche ironique et l’objet expérimental. L’opus hanté cherche dans un premier temps à créer un climat de peur viscérale ; et, dans un second, à fureter dans des zones généralement bafouées par le cinéma de genre (mise en abyme de la mise en abyme, abandon de soi, perte des repères).

Finalement, le film auquel on pense le plus en regardant Réincarnation reste INLAND EMPIRE, l’étrange film méandreux de David Lynch dans lequel pendant près de trois heures, le cinéaste se frayait un tortueux chemin entre les madeleines proustiennes du film-somme (beaucoup d’autocitations) et les expérimentations peau neuve du précipité en DV (quelques effets inédits). On regarde Réincarnation dans ce même état de sidération en ne sachant pas réellement là où le cinéaste veut nous emmener tout en nous plaçant dans la situation délectable du spectateur avide d’expériences curieuses. En prenant comme personnage principal une jeune adolescente louche qui fantasme une vie d’actrice et confond dangereusement le réel et l’imaginaire, Shimizu parvient à emmener ses spectateurs loin, très loin, dans les friches d’un scénario qui se laisse lui-même prendre par le vertige de sa jeune protagoniste. Si bien qu’à l’arrivée on se contrefiche de savoir qui de la demoiselle ou du cinéaste se révèle le plus dangereux ou de faire la part entre ce qui relève du rêve ou du cauchemar, de la menace ou du bluff.

Shimizu conserve cet art du grand écart presque jusqu’au bout. Un peu à la manière de La Mort en ligne, de Takashi Miike, où le Dieu cintré du Soleil Levant simulait les conventions post-Ringu pour les retourner silencieusement sur un ton dada de bon aloi. Les plus cartésiens d’entre nous pourront toujours dire que l’auteur zélé en fait trop et que sa mécanique artificielle se répète ennuyeusement. Mais c’est son jusqu’au-boutisme pervers qui éveille la fascination et sa litanie entêtante de scènes qui facilite l’entrée interdite vers une quatrième – voire une cinquième – dimension. On a l’impression de regarder un cauchemar perdu dans ses propres boucles oniriques qui rejoue les mêmes scènes de points de vue différents avec des personnages identiques, doubles ou autres. L’honneur sera sauf si Shimizu éprouve le besoin d’en tourner un remake US pour brouiller encore plus méchamment les pistes. De film en film, on retrouve le même symptôme malade. Répétition et différence : Shimizu est un cinéaste deleuzien. Ou alors on n’a rien compris. Peu importe, c’est fascinant d’un bout à l’autre, à défaut d’être honnête.

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Takashi Shimizu, Romain Le Vern

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