Robert Kramer

Du 6 au 24 novembre 2019

Walk the Walk

Ce désir le mènera à filmer la résistance du peuple vietnamien (People's War), la révolution des Œillets au Portugal (Scenes from the Class Struggle in Portugal), la réunification de l'Allemagne (Berlin 10/90), l'Angleterre déshéritée (Des graines dans le vent), la guérilla au Venezuela (FALN) et les mutations de la société américaine des années 1970 et 80 (Milestones et Route One / USA), comme celles, plus tard, des sociétés française (À toute allure, Cités de la plaine) ou européennes (Walk the Walk).

Auteur d'une trentaine de films, essais, documentaires et fictions, Robert Kramer est né en 1939 à New York de parents juifs ashkénazes. Il construira sa vie entre les deux continents, entre les États-Unis et la France, où il trouve refuge dans les années 1980, et à nouveau à la fin de sa vie.

La caméra militante

Il fait ses débuts au cinéma via le militantisme, avec Norman Fruchter et Robert Machover, comme lui apprentis cinéastes. Il réalise avec eux Troublemakers (« Agitateurs »). Ils y filment les activités politiques auxquelles ils participent dans la communauté noire de Newark. Par la suite, Robert Kramer prend part à l'éclosion du collectif Newsreel (« Actualités »), coopérative de production et de diffusion de cinéma militant fondée à New York en 1967. Newsreel produit des films sur les mouvements politiques nord-américains, rend compte de la marche sur le Pentagone en 1967 et des manifestations lors de la convention démocrate de Chicago.

Les premiers long métrages de Robert Kramer, In the Country, The Edge et Ice, mêlent fiction, documentaire et subjectivité. Tous restituent une part de l'expérience politique de leur auteur. In the Country met en scène un couple de militants contre la guerre du Vietnam. The Edge narre le projet d'assassinat du président des États-Unis par un activiste. Ice imagine une répression violente de l'État contre les opposants à une guerre au Mexique « dans un futur indéterminé ». Ice livre une vision pessimiste et glaçante de l'engagement et donne à voir une dégradation des rapports entre activistes quand monte la peur de la torture et des exécutions. Dans ses premiers long métrages, Kramer filme davantage une parole, une réflexion et des doutes sur l'action politique qu'il ne rend compte des actes. En quête de lucidité, il cultive un style pauvre et dénudé.

Milestones (1975) traite lui aussi de la question de l'engament politique, à une période où la guerre du Vietnam s'achève et alors que se font jour beaucoup d'interrogations chez les militants. Milestones déploie six trames narratives et une cinquantaine de personnages. Avec ce montage monumental, Robert Kramer radiographie les états d'âme de l'extrême gauche à travers tout le pays. Le montage du film fascine par sa capacité à créer des résonances à la fois profondes et douces entre les séquences, et entre les expériences des uns et des autres, comme s'il captait une organicité entre les êtres et dans leur rapport avec la nature. Aussi le potier aveugle semble-t-il renvoyer à la perte de repères de tous les protagonistes du film.

Après un passage par le Portugal, où il filme la révolution des Œillets sur le vif en tâchant de comprendre quel peut réellement être l'avenir d'un pouvoir populaire, Kramer s'établit en France. Il y passe l'essentiel des années 1980. Sa pratique du cinéma s'y transforme en profondeur pour se professionnaliser. Tout au long de la décennie, il est accueilli par l'INA, où il réalise de beaux essais comme À toute allure, Naissance et Le Manteau. Il fait aussi la connaissance de l'actrice Laure Duthilleul, qui deviendra son actrice fétiche.

Témoin de l'Amérique, témoin de son temps

Route One / USA, grand film du retour de Kramer aux États-Unis après son exil en Europe, propose une traversée du pays du Nord au Sud sur la route qui mène du Canada à Key West en Floride. Le tournage dure cinq mois. Pour seule préparation, Kramer parcourt la Route One dans l'autre sens : du Sud vers le Nord. Jusqu'au dernier moment, il hésite à tenir la caméra, avant de finalement s'y résoudre. Dans cette traversée, il est accompagné par Paul McIsaac, qui jouait déjà dans Ice et dans Doc's Kingdom. McIsaac est à nouveau Doc, un médecin de retour d'un long exil en Afrique, en proie à une profonde mélancolie. Doc et Robert Kramer partent à la rencontre du peuple américain. En préambule du film, Doc relit le Chant de la grand'route de Walt Whitman pour se préparer à affronter l'Amérique contemporaine (« Hold up against it » – « tenir le coup contre elle », dit-il). D'emblée, Robert Kramer nous montre une nature agressée par la déforestation. La violence et ce qui lui résiste pourraient bien être les fils souterrains que Kramer se propose de tisser. Il est question du racisme, des conditions de vie des immigrés, des injustices et d'épisodes dramatiques de la guerre de Sécession. Robert Kramer enregistre les fractures. Dans une séquence très émouvante, un jeune juge aisé évoque la nécessité, une fois chez lui, d'oublier tout ce qu'il voit par son métier de souffrance et d'injustice sociale. En 1989, la notion de communauté ne semble plus possible.

Par ses films, Robert Kramer aura cherché à témoigner et à comprendre. Son cinéma aura beaucoup montré ceux qu'il chérissait et ce fut sans doute sa façon de résister. Dans sa méditation très personnelle sur l'histoire de l'Allemagne et le nazisme, Berlin 10/90, il dit : « L'esprit est un magicien qui s'élance dans le temps et dans l'espace. » Tout le cinéma de Robert Kramer est porté par ce désir ardent d'intelligence.

Pauline de Raymond

Les films

Doc's Kingdom
Robert Kramer , 1987
Dear doc
Robert Kramer , 1991
Ve 8 nov 19h15   GF
FALN
Robert Kramer, Peter Gessner , 1965
People's War
Newsreel , 1969
Di 17 nov 16h30   GF
La Peur
Robert Kramer , 1983
Naissance
Robert Kramer , 1981
Lu 18 nov 16h30   GF
Point de départ
Robert Kramer , 1993
Say Kom Sa
Robert Kramer , 1998
Di 10 nov 14h30   GF
Troublemakers
Robert Machover, Norman Fruchter , 1966
Sa 23 nov 19h30   JE

Courts métrages

City Empires
Robert Kramer , 1998
Sous le vent
Robert Kramer , 1991
Ghosts of electricity
Robert Kramer , 1997
Je 21 nov 19h30   JE

Autour de Robert Kramer

Les Yeux l'un de l'autre
Keja Kramer, Stephen Dwoskin , 2006
Lu 11 nov 20h00   JE

Autour de l’événement

actualité

Édition

Robert Kramer Notes de la forteresse
Chez Post-Éditions

Robert Kramer a écrit abondamment, avant, pendant, après les films, des « notes » et des projets, des fictions et des essais, d'innombrables carnets intimes et fichiers informatiques. Cette matière considérable est l'un des ciments cachés de son œuvre, où se négocie de manière plus explicite que dans ses films son rapport à la subjectivation politique, à l'autofiction ou aux entrecroisements entre documentaire, propagande et fabulation.
448 pages – 24€ – Parution le 18 octobre

Signature par Cyril Béghin, directeur de l'ouvrage, samedi 9 novembre à 18h30 à la Librairie de la Cinémathèque française

actualité

DVD

Œuvres complètes de Robert Kramer en DVD (10 volumes, 26 films)

Une édition de Re:Voir Vidéo / www.re-voir.com 1
Premier DVD à paraître en janvier 2020: Guns (1980), 1h35

« Je filme parce que c'est le véhicule par lequel j'étais destiné à aller au-delà de la simple survie. je filme pour trouver et découvrir. pour donner la configuration d'un territoire intérieur aussi bien qu'extérieur. » (robert kramer, « pourquoi filmez-vous ? », 1987)

Partenaires et remerciements

Archives Kramer, Cinemateca Portuguesa, Documentaire sur grand écran, Flaherty Seminar, Icarus, INA, Les Films d'ici, Les Films du Paradoxe, Re:Voir, Tamasa Distribution, Third World Newsreel, Waka Films, Cyril Béghin

En partenariat avec les Archives Kramer