Huit mois (et quelques procès) après sa sortie en salles, le film Borat (ou plus exactement Borat, leçons culturelles sur l’Amérique pour profit glorieuse nation Kazakhstan), fait son arrivée dans les bacs en DVD, dans une édition riche en suppléments, qui ravira les amateurs du plus dégénéré des ambassadeurs kazakhs.
« Attention, si vous vendre pirate de ce disque, vous puni par la loi. » Qu’on se le dise. Les menus du DVD donnent tout de suite le ton, en particulier celui du choix des langues, qui propose plusieurs versions audio du film : français, anglais (précisons que c’est dans sa version originale, soit dans la langue de Shakespeare, que doit se déguster Borat, tant Sacha Baron Cohen joue autant avec sa voix qu’avec son corps), russe (un pied de nez amusant, le film ayant été interdit là-bas), et de façon plutôt étrange, hébreu. Intrigué, on portera donc son choix sur cette dernière, qui s’avère être un piège (à Juif) des plus sournois, bien digne de ce satané Borat : l’alarme est donnée, et les phrases suivantes apparaissent à l’écran « Tu t’es fait piéger ! », « Laisse tes griffes dehors ! », « N’essaie pas de changer ton apparence ! »
Nous voilà d’entrée rentrés de plain-pied dans l’univers du fou kazakh, antisémite comme pas deux, dont la débilité sans limite n’a d’égale que son ignorance crasse, à laquelle il va chercher à remédier en parcourant les États Unis d’Est en Ouest, à la recherche de son amour fantasmé, la blonde Pamela Anderson, ramenant des images qui font de ce film un équivalent cinématographique des Lettres persanes que Montesquieu écrivit il y a bientôt trois siècles : rien de tel, pour dénoncer les travers d’une société, que de la montrer du point de vue d’un étranger naïf qui s’y confronte.
Le film étant présenté dans la même version que celle sortie précédemment en salles, c’est dans les bonus que cette édition trouve son intérêt. En effet, le secteur « matériel de surplus » est riche : les suppléments y sont nombreux et de qualité. On en commencera l’exploration par les scènes coupées (pardon, « censurées », le ministère de censure kazakh est passé par là), au nombre de huit, toutes plus délirantes les unes que les autres.
On pourra à loisir y suivre Borat chez un éleveur canin, en train de se rencarder sur l’achat d’un chien, apportant un soin tout particulier à l’examen de l’anus de celui-ci (Borat et son penchant pour les « sexy times », avec humains ou autres), à son entraînement (en gros, est-il bon à débusquer les juifs), ou encore à la recherche de conseils sur une bonne cuisson afin de le déguster dans les meilleures conditions possibles.
L’épisode de Borat se faisant masser par un professionnel n’est pas triste non plus : nu comme un ver, affublé d’un cache noir outrageusement long au niveau du sexe, rapidement en érection, notre Kazakh profite de la moindre occasion pour essayer de monter le pauvre masseur, ou obtenir de lui une petite gâterie (encore ces satanées « sexy times »).
La scène du rodéo visible dans le film, où Borat chante une version bien à lui de l’hymne du Kazakhstan, sous les yeux horrifiés de yankees pure souche, est ici montrée du point de vue de la chaîne info News Channel 10, témoin du réel désordre que Baron Cohen/Borat a laissé dans son sillage dans le bon pays de l’Oncle Sam.
La plus délirante de ces scènes est sans conteste celle où Borat, de retour chez lui, confie qu’il a eu une idée qui devrait faire de lui la quatrième personnalité la plus célèbre du Kazakhstan (après le président Nazarbaïev, la popstar Billy Sex Crime, et Johnny the Monkey, le chimpanzé qui fume) : il s’agit de sa propre interprétation de la série Baywatch, rebaptisée ici Sexydrownwatch. Dans un générique parodique, on le voit incarner un sauveteur en maillot de bain rouge (le modèle string à bretelles, qu’on avait déjà pu découvrir dans le film), aux côtés de son fidèle producteur, le repoussant Azamat Bagatov, au surplus pondéral peu adapté à ce type de maillots, ainsi qu’Alexandra Paul, du casting original, qui a bien voulu se prêter au jeu.
Si la plupart de ces scènes coupées étaient déjà visibles sur Internet, sur le site officiel du film, ou sur des sites de partage de vidéos, c’est cependant une bonne idée de les avoir regroupées ici, d’autant plus que c’est ainsi qu’on a initialement découvert ce diable de Borat (dans le Ali G show) : dans des séquences brèves et efficaces, qui vont directement au but.
Une autre section des bonus comprend des images de la promotion du film à travers le monde, que Baron Cohen a fait dans la peau de Borat, prolongeant encore plus loin le délire. La « tournée propagande » est un bref condensé de 16 minutes qui suit Borat dans sa tournée des festivals, de Cannes à Toronto, ainsi que dans ses passages télés les plus fameux, du Saturday Night Live aux talk-shows les plus suivis aux Etats Unis, Late Night with Conan O’Brien et The Tonight Show de Jay Leno.
Enfin, ultime supplément, les « infomerciales » sont à tomber : il s’agit d’une publicité pour l’album de la musique du film (disponible en « cassette compacte » uniquement), qui reprend les morceaux phares tels que In My Country There Is Problem, aux paroles évocatrices (« Throw the Jew down the well, so my country can be free »), que l’on voit Borat chanter à la guitare, accompagné d’une petite chorale d’enfants, ou encore cette terrible version du Born to Be Wild de Steppenwolf à la sauce kazakh.
Sacha Baron Cohen serait aujourd’hui en train de plancher sur un film tournant autour d’un autre personnage créé lors du Ali G show période HBO, le fantasque Brüno, animateur gay d’une émission de mode pour la télé autrichienne, Funkyzeit mit Brüno. Vu les fous rires attrapés lors du visionnage des sketches le mettant en scène, et la réussite de la transposition de l’univers déjanté de Borat sur grand écran (ce qui avait été moins évident avec le personnage d’Ali G précédemment), on ne pourra être qu’impatient à l’idée de découvrir ses aventures cinématographiques. A suivre donc.