C’était à l’origine un scénario devenu par défaut un livre. Fort d’un joli succès, son auteur, Josiane Balasko, a pu enfin en faire un film. Si l’actrice-réalisatrice n’a jamais fait dans la finesse, elle séduisait parfois par son abattage de comédienne. Après avoir abordé dans Gazon maudit l’homosexualité féminine, elle ose se confronter à un autre tabou de société, la prostitution masculine. Mais, ne traitant absolument pas son sujet, Cliente réussit l’exploit d’être d’un conformisme total. À cela s’ajoute une mise en scène indigente et une accumulation de clichés et de poncifs.
Alors que Josiane Balasko tenait un thème brûlant, son film souffre d’un manque de mordant. Elle pèche par une grande frilosité, ayant évacué tout ce qui aurait pu choquer le spectateur. Voyez pourtant : Judith, la cinquantaine séduisante, dirige une émission de télé-achat à succès. Mais ayant perdu ses illusions sur l’amour, elle préfère se payer régulièrement des gigolos. Parmi eux, Patrick, s’appelant en réalité Marco, marié et simple manœuvre aux yeux de sa femme Fanny.
Hélas, le sujet des escorts devient un simple instrument de suspense : le spectateur est invité à redouter le moment où Fanny découvrira l’activité officieuse de son mari. Mais, las, le suspense n’opère pas. Et Cliente n’est qu’une comédie dramatique sans rythme qu’on suit d’un œil distrait. Le scénario, convenu, est platement illustré par une mise en scène inexistante. Josiane Balasko voulait traiter des difficiles rapports hommes-femmes. Il faut reconnaître que dans Cliente, les hommes n’ont pas le beau rôle : les femmes sont soit seules, soit trompées. Mais la réalisatrice ne réussit pas à transformer cette situation en une vision acide et sans concessions du couple.
Cliente souffre aussi d’un manque de nuances, n’évitant pas la caricature. Ce défaut est flagrant à propos de l’opposition sociale trop schématique entre les deux sœurs Judith et Irène, affichant un train de vie confortable, et la belle-famille de Marco, partageant un appartement exigu. L’image donnée des milieux populaires est bien sommaire et Marilou Berry n’arrange pas les choses en rendant limité son personnage d’adolescente hystérique. À cela répondent des situations remplies de clichés. Et l’effet d’accumulation achève le film : on pense à l’improbable grand amour d’Irène, à la vision ringarde et datée du télé-achat ou à l’emploi dégoulinant de bons sentiments des Rois Mages de Sheila pour illustrer l’état de lévitation sentimentale d’Irène.
Dans cet océan de conformisme et de caricature, que reste-t-il de l’ambition initiale de Cliente ? Pas grand-chose, puisque le film ressemble à un curieux objet informe, ne trouvant jamais le ton juste : ni corrosif, ni drôle, ni touchant. En ne prenant pas à bras-le-corps son sujet, Josiane Balasko a livré un film d’une grande innocuité. On sauvera du naufrage Nathalie Baye et Éric Caravaca. Ce dernier apporte sa fragilité et sa séduction discrète à un personnage de gigolo qui, sur le papier, ne lui semblait pas destiné.