Number One, c’est le surnom d’Aziz, macho patenté et patron autoritaire qui, à la faveur de la Moudawana, et surtout d’un sort que lui a jeté sa femme, se transforme en agneau tout plein de tendresse pour la gente féminine. Un ton doux-amer pour évoquer un thème difficile, qui donne une comédie un peu naïve mais sympathique, dont les interprètes sont la plus grande force.
Maroc, 2004, entrée en vigueur de la « Moudawana » réformée, le code de la famille qui accorde davantage de droits aux femmes, en premier lieu celui de demander le divorce. Pour simplifier : elles deviennent des citoyennes à part entière, des adultes détachées de la tutelle de leur mari… dans les textes. Mais la société marocaine est en retard sur sa loi. C’est ce décalage dont s’empare Zakia Tahiri, qui signe avec Number One son premier « film marocain », et sa première œuvre en solo, après plusieurs films coécrits et coréalisés avec son mari, Ahmed Bouchaâla. Retour, pour l’occasion, dans le Casablanca où elle a passé toute son enfance.
Ce Casablanca-là a quelque chose à voir avec celui du Marock de Laïla Marrakchi (2006). Cette autre réalisatrice marocaine avait aussi pris pour thème la réforme de la Moudawana pour dresser un tableau bien différent des habituelles images de la société marocaine. On y découvrait les aspirations au changement et le désir de légèreté, celui d’en finir avec certaines traditions séculaires, de toute une génération de jeunes gens. Avec Number One, c’est un Casablanca plus traditionnel que filme Zakia Tahiri, pour le placer devant ses contradictions. Contrairement à sa compatriote, qui optait pour un ton plus dramatique, Tahiri choisit délibérément la comédie. Un choix qui donne à son film l’aspect d’une fable ; la fable de l’hypothèse d’un autre Maroc.
Ce parti pris constitue l’aspect le plus réussi du film, car il donne lieu à la construction d’un personnage truculent et savoureux : Aziz, l’excellent Aziz Saadallah, figure du théâtre et du cinéma au Maroc. L’histoire de la fable qu’il interprète est toute simple : patron autoritaire d’une usine de textile, il se comporte avec la même supériorité machiste auprès de ses ouvrières et auprès de son épouse Soraya. Mais, au moment même où la Moudawana fait les gros titres, Soraya décide de ne pas se laisser faire : avec l’aide d’une magicienne, elle jette un sort à Aziz, dont il ressort totalement transformé.
À partir de ce moment, l’intrigue est très simple, et le happy-end attendu. Le scénario s’en tient à son rôle de serviteur d’une fable symbolique, et est efficace dans ce genre. Dès lors, les situations sont quelque peu attendues, elles aussi, mais le délice et l’intelligence avec lesquels les interprètes se glissent dans leur rôle est jubilatoire. Aziz Saadallah joue l’étonnement devant sa transformation avec un burlesque assumé, donnant lieu à quelques scènes très cocasses, et Nezha Rahil (Soraya) est parfaite en épouse émancipée.
Number One est un film sans prétention, une jolie comédie réussie, parce qu’elle fait rire et qu’elle interroge, en restant légère.