En abordant les déboires sentimentaux d’un homme psychologiquement instable, on pourrait croire que ce premier film de Yann Coridian – ancien directeur de casting auprès de Valeria Bruni-Tedeschi, Noémie Lvosvky ou encore Sylvie Verheyde – tenterait d’utiliser grossièrement la carte de la singularité thématique pour revendiquer une quelconque filiation « auteuriste ». Une impression qui laisse, bien rapidement, peu de place au doute.
La vie n’est plus très tendre avec François. À peine est-il sorti de l’hôpital psychiatrique que tout le monde semble lui tourner le dos. Entre sa femme qui le met définitivement à la porte et les brimades de son entourage, ce quadragénaire ne reçoit pas l’accueil qu’il avait imaginé. Pourtant, en dépit des difficultés, François reste persuadé d’une chose : l’authenticité de son amour pour Anna.
Même si l’on doit admettre que l’internement psychiatrique est un sujet trop peu exploité au sein du cinéma français, force est de constater que l’audace thématique n’est pas toujours payante. D’emblée, le film succombe aux facilités narratives comme à une volonté trop forte de se situer dans l’air du temps, et peine à véritablement imposer un ton tragi-comique efficace, malgré la présence d’un casting prestigieux. La confrontation entre François et ses proches tourne en effet rapidement à l’étalage de situations convenues, et tente d’exploiter le décalage permanent entre l’état semi-dépressif du quadragénaire et le tempérament supposé plus rationnel (ou pas) de son entourage, marqué par des parents ouvertement infantilisant et une directrice d’hôpital peu conventionnelle.
Au lieu d’être sinueuse et singulière, la trajectoire de François trahit alors les artifices d’un scénario élaboré comme une compilation attendue de tentatives infructueuses pour reconquérir sa bien aimée, entre les mauvais happenings pour prouver son amour et les symptômes semi-simulés d’une dépression chronique. Cette pathologie scénaristique devient ainsi extrêmement maligne, figeant les personnages dans des stéréotypes et condamnant les dialogues à un exercice littéraire peu convaincant, qui démasque la patte dictatoriale de Sophie Fillières, coscénariste du film.
Il faut donc attendre le nouvel internement de François pour que cette première réalisation parvienne à susciter un réel intérêt, et à exprimer un point de vue plus distancié envers son propre personnage. La trame narrative épouse alors davantage le rythme d’un lent retour à la vie, marqué par la nécessité d’un décentrement vis-à-vis de soi. Loin de réitérer la compilation de mauvais gags qui composent la première partie du film, Yann Coridian aborde le thème de la guérison à travers une suite d’instants isolés, avec une sincérité véritablement plus affirmée que préconçue. La description réaliste de l’internement imprègne dès lors le film d’une atmosphère intéressante et transforme l’environnement psychiatrique en un cadre cinématographique à part entière, marqué par les déambulations quotidiennes, le manque d’intimité et la précarité de tout contact humain.
Ce décor singulier engendre un effet libérateur, délie les langues et fait tomber les masques, notamment celui d’une meilleure amie hystérique – brillamment incarnée par Valeria Golino – et d’une psychanalyste finalement plus maternelle que désintéressée. La direction d’acteurs trouve également au sein de cette institution une maîtrise plus nette qu’en son dehors, et exploite avec finesse l’ambiguïté émotionnelle propre à chaque personnage, ainsi que la peur naturelle suscitée par un tel climat. Un internement psychiatrique qui reste donc, avec regret, beaucoup trop court par rapport à l’ensemble du film.