Du fait de sa popularité toute entière due à son rôle dans Glee, Chris Colfer supporte ce Struck sur ses seules épaules d’acteur-scénariste. Cela pourrait faire du film un simple caprice de star : si le film prête le flanc aux critiques d’un strict point de vue formel, la candeur délicate de son approche de l’adolescence en fait un projet touchant et étonnant.
À plus d’un titre, Carson Phillips, le personnage de Chris Colfer, est struck, « foudroyé ». Il l’est, évidemment, par la foudre, et ce dès les toutes premières minutes du film. Il l’est, également, par l’inspiration – une exigeante maîtresse qui n’a guère de pitié pour ceux qui font les choses à moitié. Carson Phillips, journaliste en herbe, entend ne pas décevoir sa muse, et fait donc figure d’idéaliste absurde dans une petite ville dont le microcosme scolaire est déjà sclérosé par le renoncement. Les jeunes vivent dans le moule imposé par la société adulte, et les adultes sont définitivement figés, ou expulsés de la norme, rejoignant la marge dans la décrépitude. Étonnamment, c’est la mélancolie profonde attachée à cette idée que le film choisit de traiter avec le plus d’attention.
Pourtant, l’argument de Struck se veut burlesque, sur le papier. Le jeune journaliste, pour étayer son projet naissant de magazine littéraire, qui va lui ouvrir les portes de la grande école de l’état, choisit de faire chanter ses camarades de classe, qui le détestent, le méprisent, ou les deux, grâce à leurs petits secrets. Avec plus ou moins de précision, le film va donc détailler la mise en place de ce réseau : de là, un montage en épisodes, en sketchs, et la structure en catalogue assez peu homogène de cette partie du film. Mais cet angle narratif, qui semblait constituer le nœud de l’intrigue, n’est finalement qu’un aspect contingent. En revanche, la personnalité passionnée, sans illusion ni compromission, du personnage interprété par Chris Colfer forme le centre du film : une probité sans faille, assortie d’une ironie mordante, qui n’est pas sans rappeler son personnage de Glee, déjà plutôt marginal.
L’argument drolatique de Struck est un trompe‑l’œil : plus que tout, le propos du film est de capturer ce moment si particulier de l’adolescence où le désir – le devoir – de changer le monde est si intense que sa rencontre avec le monde adulte statique ne peut pas se faire paisiblement. Foutraque et outrancier, superficiel et habité de l’envie impérieuse de faire drôle quand il s’agit de traiter son argument primaire de chantage, ce Struck-là est bien anodin. Lorsqu’il se penche sur le spleen adolescent et sur la mélancolie de l’adulte, en revanche, il est d’une grande justesse et d’une finesse qui évite le plus souvent le pathos. Un beau film qui se dissimule entre les lignes d’une comédie plus prévisible.