En 2010, le court métrage ¿ Dónde está Kim Basinger ? circule beaucoup en festivals et reçoit un accueil triomphal (Grand Prix à Clermont-Ferrand, nomination aux César). Encouragé par ce succès, le réalisateur Édouard Deluc a choisi d’en tourner une version longue. Mal lui en a pris. Convenu et paresseux, Mariage à Mendoza étire un scénario bien réchauffé et cache son manque d’inspiration derrière un emballage faussement décontracté.
Deux frangins se rendent en Argentine pour célébrer le mariage de leur cousin. Le plus jeune, Antoine, vient tout juste d’être largué par sa femme et traîne une mine de chien battu. L’aîné, Marcus, tente de lui remonter le moral à coups de bières et de chicas. Et les voilà partis pour une virée nocturne à travers Buenos-Aires, où rien ne se passe comme prévu… sauf pour le spectateur. Car dès le début, le récit prend un tour attendu et aligne les saynètes loufoques autour de son tandem désaccordé : le grand et le petit, le doux rêveur et le beau ténébreux – soit un duo classique, issu d’une tradition comique dont Philippe Rebbot et Nicolas Duvauchelle endossent à leur tour les habits.
Si leurs rôles sont taillés sur mesure, le film donne l’impression de flotter. La première demi-heure est un copier-coller du court métrage originel : péripéties et dialogues restent identiques, mais entretemps la fraîcheur s’est perdue. Édouard Deluc tombe dans le piège de son propre remake : les comédiens ont beau remettre le couvert (à part Yvon Martin, tous les anciens reprennent du service), ils ne retrouvent jamais cette alchimie du premier jour et s’épuisent à reproduire leur partition – comme une blague trop souvent racontée finit par sonner creux. Toute forme de liberté ou d’improvisation a disparu, cédant la place à un jeu mécanique. Exit aussi le noir et blanc, au profit d’une image plate et vaguement chaude, Amérique Latine oblige. Sans être un grand moment de cinéma, ¿ Dónde está Kim Basinger ? offrait au moins l’ivresse passagère d’un verre de champagne sifflé d’un seul trait au comptoir. Trois ans plus tard, Mariage à Mendoza est sa déclinaison sans bulles, tiède et déjà consommée.
Car la suite ne réserve guère plus de surprises, même si elle imagine un nouvel horizon pour nos deux losers sympathiques. Passée la gueule de bois, Antoine et Marcus quittent la capitale, grimpent en voiture, et le film emprunte avec eux la voie du road-movie. Les rencontres se multiplient, les facilités de scénario également. L’intrigue se noue et se dénoue d’autant plus vite que les ficelles sont épaisses. Votre héros souffre d’une rupture sentimentale ? Glissez-lui entre les pattes une jeune et jolie brune, qui s’empressera de tomber sous son charme et de le consoler au lit (ce qui vous assurera comme il se doit une dimension sexy). Son frère semble trop enthousiaste pour ne pas masquer une blessure secrète ? Inventez-lui une maladie psychique et faites-le pleurer sur la mort récente de sa mère (ce qui insufflera comme il se doit une touche de gravité à votre comédie).
Au fil du voyage, Antoine remonte la pente et Marcus la descend, dans un renversement de perspective que l’on sent arriver une bonne centaine de kilomètres avant Mendoza. Et si le récit s’oriente finalement vers une veine plus intimiste, aucun sentiment n’est creusé. Les figures secondaires (Gabriela, le maître d’hôtel) existent à peine et se limitent à des caricatures. Terne et sans relief, la mise en scène se contente de cultiver l’air du temps (musique signée Herman Düne) et de créer un climat « doux amer » – où rien n’est jamais tout à fait léger ni tout à fait sérieux. Édouard Deluc cite parmi ses références Le Plein de super d’Alain Cavalier, mais oublie que ce dernier poussait à fond toutes les situations, dans l’humour comme dans la mélancolie, pour un résultat autrement plus drôle et profond. Ici le moteur ronronne sans folie jusqu’au bout du périple, et Mariage à Mendoza reste parfaitement anecdotique.