Pour son premier film long, le réalisateur Olivier Panchot s’est attaché les services de Yaël Abecassis, découverte chez Amos Gitaï, et de la jeune Clémence Poésy. Si le talent des deux actrices transparaît sans peine à l’écran, le réalisateur semble vouloir trop bien faire, et finit par juste trop en faire. Un coup d’essai pas vraiment réussi, mais bien loin d’être raté.
Divorcée, Anna recherche une jeune fille au pair pour s’occuper de ses enfants. Lise lui impose pratiquement sa présence, mais la jeune fille et elle deviennent rapidement proches. Lorsqu’Anna découvre un côté bien plus sombre et perturbé de Lise, elle ne peut s’empêcher de commencer subrepticement à s’immiscer dans la vie de la jeune femme.
C’est à Paris que se déroule Sans moi, mais la ville est étrangement absente du film. Ce premier film d’Olivier Panchot dépeint avant tout le face à face de deux femmes – « face à face » étant réellement l’expression la plus juste. Anna et Lise sont filmées perpétuellement en gros plan, laissant donc une place fondamentale à l’interprétation, irréprochable de la part de Yaël Abecassis, et tout à fait honorable de celle de Clémence Poésy. Les autres protagonistes (amants, enfants, collègues, dealer…) ne sont que des fantômes à l’écran, n’existent qu’en tant que faire-valoir des deux femmes, tandis que le décor parisien n’est que brouillard, flouté, lointain ou stylisé. La rhétorique visuelle employé par le réalisateur permet parfois quelques beaux moments, comme lorsque Lise va céder au doute et à la solitude, et, s’enfermant dans une cabine téléphonique alors qu’il pleut à torrents, se retrouve ainsi coupée du monde.
Si le langage cinématographique, plutôt premier degré, peut agacer, sa finesse et son élégance sont assurées par une belle photographie urbaine (qui n’est pas sans évoquer le Tsai Ming-liang des Rebelles du dieu Néon) et par la mise en scène très léchée. Chaque plan, ou peu s’en faut, est précisément agencé comme un tableau – ou plus justement, un portrait. Dès les premières scènes, la focalisation sur le visage tendu de Yaël Abecassis, sur son jeu en général, installe une tension dans le film, qui ne fait que croître au fur et à mesure. Bientôt, une scène nocturne se déroule sous les auspices du slasher fantastique, les scènes nocturnes aux éclairages se voulant presque expressionnistes se multiplient, et le récit bascule lentement dans le doute quant à la réalité de la perception d’Anna : n’est-ce pas finalement elle qui projette ses angoisses dans le comportement insaisissable de Lise ?
Rien de bien révolutionnaire, en somme, dans ce premier film d’Olivier Panchot, si ce n’est une manifeste tendance à un perfectionnisme technique et visuel qui pourrait agacer, n’eut été le soin apporté à privilégier ce qui reste finalement le principal attrait de cette histoire mainte fois entendue de projection de ses angoisses sur quelqu’un d’autre : le jeu des actrices. C’est une tarte à la crème du cinéma français, certes, mais savoir s’entourer est un talent certain pour un metteur en scène. Reste à savoir si Panchot saura dans le futur se départir de son maniérisme visuel un brin agaçant pour offrir à ses remarquables interprètes un film à leur mesure.