À 38 ans, Dima el-Horr signe, avec Chaque jour est une fête, un premier long métrage ambitieux, puisqu’il se veut métaphore de l’état d’un pays ravagé – le Liban –, et hommage à ses habitantes qui tentent, vaille que vaille, d’y conquérir une indépendance sans cesse menacée par la guerre et la violence des hommes. Il est à craindre, hélas, que le sens du surplace et de l’asphyxie dont fait preuve la cinéaste ne se retourne contre son film, et n’en rende la vision redoutablement soporifique.
Un bus quitte Beyrouth, à destination d’une prison lointaine et isolée. À son bord, des femmes qui ne se connaissent pas, et qui veulent visiter qui leur mari, qui leur fils, qui leur fiancé. Au milieu de nulle part, le conducteur est brutalement abattu d’un coup de feu tiré d’on ne sait où, et les passagères se retrouvent livrées à elles-mêmes. Très vite se détachent une Palestinienne anxieuse dont le mari est gardien de prison, une jeune mariée désemparée, et une belle femme énergique, sanglée dans une robe rouge vif, et bien déterminée à divorcer. Elles vont cheminer ensemble, le temps d’une journée étouffante et lourde de menaces.
Inutile de se demander qui a tué le chauffeur du bus, s’il s’agit d’une balle perdue – on ne le saura pas. Le scénario ne dira pas non plus à quelle organisation appartient le conducteur louche qui prendra les trois femmes en stop, ou ce que fuient les villageois qu’elles seront également amenées à croiser. C’est que le film ne raconte aucune histoire : il juxtapose les scènes comme autant d’allégories (sur)chargées de sens. Le Liban vu par Dima el-Horr est une terre figée, encombrée par les fantômes des morts, vidée de ses hommes et où les femmes doivent toujours se préparer au pire.
Dima El-Horr sait capter la beauté des paysages arides sillonnés de routes désertes, et Chaque jour est une fête témoigne de réelles qualités plastiques. La mise en scène souffre malheureusement d’une volonté trop manifeste de « faire poésie » : le film est dénué de colonne vertébrale, et c’est sans autre logique que celle d’un symbolisme pesant que les visions surréalistes (les scènes de rêve, au formalisme exacerbé) succèdent aux détails incongrus (un lustre suspendu à l’extérieur d’une maison en ruines). Les personnages pâtissent tout particulièrement de ce dispositif. Sans nom, sans réelle personnalité, les trois héroïnes se côtoient sans qu’il ne se passe jamais rien entre elles, et c’est sans conviction que les actrices ânonnent leurs dialogues, rares mais très – trop – écrits. L’interprète de la jeune mariée est particulièrement mauvaise, et même Hiam Abbass, d’ordinaire impeccable, semble ici mal à l’aise. Dans ces conditions, il est difficile, malgré les bonnes intentions de la réalisatrice, de s’attacher à ces Thelma et ces Louise fantomatiques prises dans le double étau d’une société étouffante et sclérosée, et d’une mise en scène en forme de pléonasme.